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l’état d’élaboration. A tout hasard, le postulant s’était muni d’un assez grand nombre de témoins, cinq à ce qu’il parait, l’abondance ne pouvant nuire. Il était accompagné de sa future épouse, de sa future belle-mère, et, d’après ce que nous apprennent des journaux qui semblent bien informés, de ses deux enfans. Le contrat avait été rédigé par avance. Il fut signé par les parties et les témoins ; un huissier que l’on avait amené le notifia à la municipalité, et celle-ci dressa procès-verbal de la déclaration ; puis le petit cortège se retira. La feuille publique à laquelle nous empruntons ces détails ne nous laisse pas ignorer que ce mariage ecclésiastique fut suivi de deux autres. Elle ajoute : « Puissent ces exemples courageux être imités par tous les prêtres qui veulent sincèrement être utiles à la patrie, à la régénération des mœurs, et devenir de bons citoyens ! »

Dans le public ces nouveautés éveillaient plus de railleries que d’approbations. Le peuple, même très émancipé, se figurait mal les curés mariés. Il fallait insinuer l’idée, mais sans paraître l’imposer. L’Almanach du père Gérard, composé par Collot d’Herbois et publié à la fin de 1791 sous les auspices de la Société des Jacobins, est à cet égard fort suggestif. La question du mariage des prêtres y est amorcée avec une artificieuse ingénuité : elle s’engage sous la forme d’un entretien entre un ministre protestant et un curé catholique. Le pasteur présente au prêtre ses enfans : « Si je désirais, lui dit-il, vous inspirer une opinion nouvelle, ce serait seulement pour vous rendre aussi heureux que moi. Voilà ma femme, voilà mes enfans ! quel bonheur, et vous en êtes privé ! » Le curé écoute, tout rêveur, mais désireux de ne pas trop se compromettre. Il se borne à répondre : « Je se suis pas encore assez éclairé là-dessus pour me décider. » La réplique du pasteur est discrète ; point d’insistance importune, mais une simple et brève invitation formulée dans le style de Rousseau : « Ecoutez la nature ; le conseil d’une alliance chaste et vertueuse est le meilleur qu’elle puisse donner à un honnête homme. »

Vers la fin de décembre 1791, un autre prêtre, le curé de Saint-Cyr, se maria. A la même époque, un ecclésiastique de l’île d’Oléron sollicita de l’Assemblée l’autorisation de choisir une épouse. Les Constituans se fussent scandalisés. Leurs successeurs trouvèrent la requête très plaisante ; si nous en croyons