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expose que « la liberté accordée à tout citoyen d’assister ou non aux offices célébrés par les prêtres salariés ne saurait s’étendre aux fonctionnaires publics, puisqu’ils sont eux-mêmes salariés par la nation ; » en conséquence, l’instituteur est mis en demeure de devenir constitutionnel pratiquant ou d’abandonner sa charge. Il serait aisé de multiplier les anecdotes pareilles. La même autorité qui confère les privilèges, impose bien aussi quelques charges. Les légistes, ces apôtres de la Constitution civile, aiment à se mêler des choses ecclésiastiques. Il y a quelque puérilité dans leurs ingérences : et volontiers ils se croient réformateurs, n’étant que sacristains. Ici les administrateurs du département désignent le prédicateur de carême ; là ils interviennent auprès de l’évêque pour que celui-ci modifie ou adoucisse les abstinences accoutumées. Presque partout, ils comptent, recomptent les chantres, les musiciens, les serpens, les suisses, les bedeaux, règlent, et jusqu’à la minutie, la nomination, les devoirs, les salaires de tout ce menu personnel. Il arrive pareillement qu’à certains jours de fête civique l’église se remplit d’une foule inusitée. En se retournant vers le peuple, le célébrant contemple avec stupeur tous ceux que la nef abrite. On dirait que le club en masse a émigré dans le temple. Puis voici qu’à l’offertoire retentissent sous les voûtes des chants qu’aucune liturgie, même très réformée, n’a prévus. L’officiant attend, ahuri, résigné, jusqu’à ce que la fin du tapage lui permette d’entonner la préface. Le lendemain, le journal du lieu raconte l’hommage patriotique que des citoyens libres ont rendu à l’Eternel et qu’ils ont accompagné, dit-il, « d’hymnes analogues aux circonstances. » Cependant l’autorité, de plus en plus mêlée à tout, sait aussi commander la piété. Elle ordonne des prières, des processions, tantôt pour amener la pluie, tantôt pour faire cesser la sécheresse. En ces occasions, elle a le souci, moitié tracassier, moitié dévot, de tout prévoir elle-même et de tout ordonner. Elle prescrit le nombre de prêtres, détermine les heures, énumère les bannières, fixe le parcours du cortège. Elle s’applique même à prévenir les oublis possibles du clergé. Ainsi en est-il à Autun. Là-bas, l’évêque Gouttes, venu récemment du Languedoc et mal au courant des dévotions locales, pourrait omettre quelques détails, par exemple l’ostension des reliques. Aussi lui est-il surtout recommandé, — sans cela tout serait manqué, — d’emporter de la cathédrale et de bien exposer