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charitable et vaniteux qu’on appelle Pacareau ; à Bourges, Torné, évêque du Cher, est élu le premier à l’Assemblée législative. Bien qu’ils se complaisent à parler de la primitive Église, tous ces évêques ne laissent pas que de goûter les avantages de l’église nouvelle. Ils sont, pour le traitement, divisés en classes à la manière des fonctionnaires : 50 000 francs à Paris, 20 000 francs dans les villes de plus de cent mille âmes, 12 000 francs dans les autres. Ces chiffres ne les contentent qu’à demi. Celui-ci réclame pour son mobilier, celui-là pour les frais de son sacre, un troisième pour ses contributions. Les dossiers des Archives sont pleins de ces requêtes. Dans les Bouches-du-Rhône, l’évêque Roux observe que si Aix est une petite ville, Marseille en est une grande, et comme ferait aujourd’hui un préfet ou un procureur général, il réclame le traitement de Marseille. Beaucoup de ces prélats, si on en juge d’après les portraits qui subsistent, ont d’ailleurs fort bon air : un maintien posé ; sur la soutane violette, beaucoup de dentelles ; la croix pectorale largement étalée ; une main très blanche, fuselée, ornée d’un fort bel anneau et faite à point pour bénir. Il y a loin de ces graves et sereines images aux pamphlets presque toujours violens, souvent diffamatoires, propagés par les non-conformistes. On ne dirait point des parvenus, mais des hommes déjà très installés dans les grandeurs. Parfois, sur le fronton du palais épiscopal, ces mots ont été insolemment gravés au départ de l’insermenté : Deposuit potentes de sede : le nouvel arrivant juge l’inscription fort impertinente, la trouve œuvre de malappris, et, en donnant l’ordre de la gratter, se sent devenir presque aristocrate. Dans l’intérieur, l’appellation, en dépit de l’égalité nouvelle, est celle de Monseigneur ; et plusieurs regrettent tout bas le blason aboli.

L’autorité séculière qui paie le clergé se pique en outre de le protéger. Elle fait distribuer par ses agens les mandemens épiscopaux. Il arrive aussi qu’en plusieurs endroits, elle impose, semble imposer la fréquentation de l’église constitutionnelle. Les documens du temps révèlent de petits faits très suggestifs. Dans le Morbihan, un catholique ayant refusé d’offrir le pain bénit à la paroisse constitutionnelle, le club de Vannes vote une délibération pour dénoncer à l’autorité « cet être irréligieux. » A Machecoul, un instituteur néglige de suivre la messe des assermentés : aussitôt le district prend un arrêté où il