Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/573

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et le réconfort qu’ils y puisaient[1]. L’expérience venait de montrer cependant qu’affaiblis par la dysenterie, les bronchites, ils renaissaient subitement dès qu’une attaque se déclenchait. L’approche seule de cette attaque les transformait ; dans la tranchée, ils tracassaient avec impatience la détente de leurs fusils et imploraient la permission de « canarder » les ombres ennemies qui commençaient à se découper sur le gris du ciel.

— Je les retenais, dit un gradé[2], car il fallait surprendre.

Au cours même de l’attaque, leur pétulance ordinaire, une vanité bien excusable chez des hommes qui avaient prouvé tant de fois leur supériorité sur l’ennemi, les emportaient à toutes sortes du démonstrations imprudentes[3]. Encore fallait-il, avant de les rejeter dans l’action, boucher les brèches ouvertes dans leurs rangs ; or, toutes les compagnies étaient à peu près disloquées, sauf celles des bataillons Conti, Bertrand et de Kerros. C’étaient les seules troupes intactes qui nous restaient, et tout ce que put faire l’amiral fut de mettre le premier de ces bataillons à la disposition du 20e corps, chargé de poursuivre l’offensive. Mais, bien que l’artillerie du secteur eût bombardé toute la journée les tranchées ennemies et que l’artillerie allemande répondît assez faiblement, il arriva que notre droite ne put marquer aucune avance, et le bataillon Conti resta sur ses positions. Les hommes n’eurent à supporter qu’une légère contre-attaque de l’ennemi, qui voulut profiter de la relève pour essayer de leur reprendre les tranchées perdues. L’amiral avait obtenu pour cette relève un appoint de 200 cavaliers à pied : une mousqueterie bien dirigée et quelques tirs de barrage obligèrent l’ennemi à rentrer dans ses trous.

Il riposta le 19, pendant toute la matinée, jusqu’à deux heures de l’après-midi, par un marmitage en règle du plateau à l’Ouest du Kemmelbeke, où nous avions nos réserves, et de la ferme Mouton, où se trouvait le poste de commandement de la défense. La précision de ce bombardement ajouta aux présomptions que l’on avait de la mort du commandant Geynet, qui portait sur lui le plan du secteur et qui l’aurait détruit

  1. « Si la discipline est la force principale des armées, écrivait, le 16 décembre, l’enseigne Bioche, la confiance et l’attachement aux officiers sont les seules raisons pour lesquelles les marins se battent bien. »
  2. Maître Donval. Cité par l’abbé Bruno (Petit Écho Vaucellois d’août 1915).
  3. « Nous approchions des premières lignes, et j’ordonnai le silence à mes hommes, » etc. (Petit Écho Vaucellois.)