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Toute la nuit on se prépara. Vers une heure du matin, ordre arrivait par plantons aux postes de commandement du secteur de Steenstraete de pratiquer pour 5 h. 30 des passages de 3 à 4 mètres dans les fils de fer des têtes de passerelles. À 3 heures, le capitaine de frégate Geynet, chargé de monter l’attaque, sous la direction du « colonel » Paillet, commandant de la défense, convoquait à son cantonnement les chefs des unités combattantes : guidés par des planions, ils s’y rendirent à travers champs, en se garant comme ils pouvaient des trous d’eau. Le commandant leur lut ses instructions, les leur commenta, ajoutant quelques renseignemens sur la façon dont les Allemands disposent leurs tranchées, généralement en forme de triangle isocèle. La pointe du triangle, tournée vers nos lignes, ne contient que quelques hommes qui s’éclipsent aussitôt l’attaque déclenchée et se réfugient dans le côté principal du triangle. L’attaque pénètre dans la pointe évacuée. À ce moment, des mitrailleuses, placées aux extrémités du côté principal, se dévoilent et prennent d’écharpe les assaillans. Conclusion : il ne faut pas attaquer en pointe, mais porter l’attaque sur les extrémités du côté principal. — « Oui, remarque in petto un des officiers présens à l’explication, quand on les connaît et qu’on a pu les repérer d’avance ! »

Les capitaines se séparent pour alerter leurs compagnies. Rassemblées à 4 heures sous la direction du commandant Geynet, elles traversent silencieusement Zuydschoote, lugubre dans la nuit avec ses maisons béantes, laissent à droite cette épave et franchissent le canal : la 1re et la 4e sur la passerelle Nord ; la 2e et la 3e sur le pont, d’où elles gagnent par les boyaux d’accès les tranchées de première ligne. C’est de là qu’elles partiront tout à l’heure pour l’attaque. Les hommes sont pleins d’ardeur, mais les chefs assez soucieux : une patrouille rentrée dans la nuit s’est « heurtée à des forces allemandes supérieures en nombre[1] ; » en outre, le terrain ne leur est pas familier à tous. Certains même, comme le capitaine de Malherbe, n’ont encore jamais mis les pieds dans ce secteur. Ils se renseignent près des officiers du 3e bataillon qui doivent rester dans leurs tranchées, avec le commandant de Kerros, « prêts à toute

  1. Cf Carnet de route du C B… qui ajoute : « Elle a même failli être cernée par deux patrouilles ennemies venant sur la droite et sur la gauche et a dû se replier, sans perte d’hommes heureusement. »