Page:Revue des Deux Mondes - 1917 - tome 37.djvu/495

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Et l’on voit, au-devant de la France marchante,
Voltiger l’habit bleu de ce ménétrier !
La charge flamboyante a vidé l’étrier.
O Corse à cheveux plats, que la guerre était belle
Avant qu’on eût trouvé ce fil qui se barbèle
Et sur qui tes chasseurs ne pourraient plus courir !
Tes splendides Murat savent toujours mourir ;
Mais si tu revenais, il faudrait que tes aigles
Apprissent à voler sur de nouvelles règles,
Sire, — et la Marseillaise, où le Souffle a pris corps,
N’a besoin, pour voler, que des mêmes accords !
Elle sert ! Elle joint, par une trajectoire,
Les deux plus effrayans sommets de notre Histoire
Et fait la liaison entre les deux volcans !
Elle apporte le cri des aïeux éloquens,
Leurs ordres, leur conseil, leur reproche ; elle sonne
Que le temps n’a jamais travaillé pour personne,
Et que rien ne s’arrange, et qu’on arrange tout !
Elle remet les morts — et les vivans — debout ;
Et de la vieille guerre il n’est resté qu’une ode !
Et quand tout est nouveau, les armes, la méthode,
La forme de la gloire et celle du danger,
N’ayant pas dans son aile une plume à changer,
La Marseillaise vole ! — et pour hausser les âmes,
Tandis que la matière où nous nous engouffrâmes
Ne pourra plus cesser d’inventer des moyens,
Il suffira toujours d’ « Aux armes, citoyens ! »


EDMOND ROSTAND