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puisse être, en regard du service souverain que la France a rendu jadis à l’Amérique et qu’elle rend aujourd’hui à l’univers civilisé, encore est-ce le meilleur de ce que l’état présent de la politique américaine nous permettait de lui apporter en offrande. Nous n’en parlons que pour regretter que ce soit si peu, mais avec l’espoir que la France n’y cherchera point la mesure de notre admiration pour elle, qui est sans bornes… La beauté de son rôle, la noblesse de son dévouement, la splendeur de son abnégation ne font qu’accentuer, par contraste, l’amertume de notre abaissement. Dans notre pénible situation, il n’y a rien dont nous soyons plus anxieux que du jugement de la France. Nous savons trop combien l’attitude américaine doit sembler inexplicable aux millions de Français qui ont aimé l’Amérique et cru en elle. Ah ! qu’ils comprennent, ces Français, qu’ils comprennent, pour en avoir eux-mêmes plus d’une fois fait l’expérience, que les politiciens d’une nation n’incarnent pas nécessairement son âme. Derrière l’Amérique officielle, il y a la vraie Amérique, et cette Amérique-là, pour qui la seule pensée du barbare découpant sa bestiale silhouette sur le divin horizon français n’a cessé d’être, le jour, une torture, et, la nuit, un cauchemar, cette Amérique-là n’a qu’un vœu, cette Amérique-là n’a qu’une prière : Vive la France ! »


La « prière » laïque, animée, d’ailleurs, d’un souffle tout religieux, que la New-York Tribune résumait dans ce cri, était aussi bien, à quelques différences verbales près, la même que ne craignaient pas de faire entendre en chaire les ministres les plus éminens des principales confessions protestantes. C’est ainsi, par exemple, que le docteur Stires, recteur de Saint-Thomas Church, la grande église épiscopalienne de la Cinquième Avenue, déclarait solennellement que le premier des devoirs chrétiens, à cette heure unique dans les annales du monde, était d’adresser au ciel des vœux journaliers pour la France, et le second, d’aider, dans toute l’étendue des possibilités humaines, à leur prompt accomplissement. » En travaillant à l’œuvre de justice, affirmait-il, la France prépare le règne de Dieu. Elle seule, en vérité, est selon le cœur de l’Éternel, et non point ceux qui, le revendiquant pour leur complice, le mobilisent à tout propos, dans leurs discours impies, comme