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une preuve de plus, la mesure de suppression prise par l’Empereur nous l’aurait fournie. Immédiatement après, on constatait une diminution considérable dans le nombre des crimes et délits. On a donné des chiffres : à Simbirsk, la moyenne des crimes diminua de 50 pour 100 ; de 80 pour 100 à Oriol, de 95 pour 100 à Kostroma, de 75 pour 100 à Toula, de 80 pour 100 à Rostoff sur Don, de 75 pour 100 à Odessa…

« Vous savez peut-être qu’on donne dans nos campagnes le nom de kouliganeries aux maraudages, menus vols, dégâts faits aux récoltes ou aux propriétés ; aux rixes, tapages nocturnes, bref à tout ce qui trouble la vie des tranquilles populations rurales. Eh bien ! ces sortes de méfaits, œuvre accoutumée des ivrognes, ont cessé depuis la suppression de l’alcool, à la grande satisfaction des paysans.

« A Pétrograd, de juin à août 1914, les suicides sont tombés de 76 à 18 pour les hommes et de 53 à 10 pour les femmes. Leur courbe en cette année 1914 est particulièrement intéressante à observer. Enfin, malgré les terribles épreuves de la guerre, la mentalité se relève partout et l’on voit déjà diminuer le nombre d’entrées dans les asiles d’aliénés. Si tels sont les résultats appréciables, en moins de deux ans, jugez de ce que nous pouvons attendre de l’avenir. Une population plus soucieuse des lois de l’hygiène, plus saine de corps et d’esprit, plus apte aux travaux physiques et intellectuels, une meilleure organisation de la vie domestique et par conséquent de la vie nationale, une production meilleure et plus intense, un enrichissement des classes moyennes et inférieures de la société, tels seront les résultats qui compenseront à brève échéance les sacrifices momentanément consentis. »


VII. — PARMI LES PAYSANS

Un village des environs de Novgorod. C’est jour de réquisition des chevaux. La terre est dure, l’air piquant, mais calme : une belle journée pour le plein air. Une cinquantaine d’isbas s’alignent sur deux rangs, le long de la route. Quelques-unes, peu nombreuses, se groupent autour d’une église à coupoles vertes. La ligne bleue de la forêt barre l’horizon blanc. Les paysans ont sorti les chevaux de l’écurie ou les ont amenés de loin. Maintenant, ils les font trotter sous les