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remplacée par une carte de vacance, ce qui signifie que les employés de la Société n’ont plus le droit de vendre de l’alcool à l’ancien possesseur. Comme on agit de même en cas de mort ou de changement d’adresse, les employés ignorent la cause de retrait du carnet.

« Nombreux sont les avantages du carnet. Étant personnel, il ne peut être cédé ni prêté. En cas de conflit, il permet à la Société de prouver à quelle date l’alcool a été acheté, en quelle quantité et de quelle qualité. Il assure encore le contrôle sur les employés, qui sont tenus d’établir une exacte balance entre leur total de vente et leur dépôt. »

Pour excellent qu’il soit, ce système, accepté par la sage population suédoise, m’a semblé peu approprié à notre caractère national. Il se présente avec les mêmes apparences d’inquisition qui retardèrent jusqu’au moment des suprêmes abnégations patriotiques le vote de l’impôt sur le revenu. Mais il pourrait sans doute se prêter à des modifications qui lui enlèveraient ses allures un peu draconiennes. L’alcool étant un poison reconnu, sa vente ne saurait être libre. Voit-on des épiciers ou des droguistes vendre à leur gré la belladone, la cocaïne ou la morphine ? Les pharmaciens, distributeurs patentés de ces bienfaisantes, mais dangereuses drogues, ne sont-ils pas tenus de ne les délivrer que sous certaines restrictions ? Il s’agit donc surtout d’adopter le principe ; les faiseurs de projets ne manqueront point.

Les objections portant sur le déficit budgétaire sont peut-être, de toutes, celles qu’il conviendrait à cette heure de reléguer au dernier plan. Outre que l’on ne peut pas sacrifier la santé physique et morale d’un peuple à sa richesse en numéraire, il est démontré que, loin d’appauvrir ce peuple, la suppression de l’alcool l’enrichit. Le sacrifice budgétaire consenti ne saurait être que momentané. Encore peut-on lui trouver des palliatifs, ainsi que l’exemple de la Russie nous le prouve.

On sait quel énorme déficit annuel la suppression de l’alcool a imposé au budget russe. Le gouvernement y a remédié en prenant plusieurs mesures, dont les principales sont : 1° la création d’impôts nouveaux, — sur les marchandises transportées par voie ferrée, sur les voyageurs et leurs bagages, sur le coton russe ; — 2° l’augmentation des impôts anciens, notamment sur les allumettes, les tubes à cigarettes, les timbres de