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Pour un dernier adieu, on s’arrête encore devant la façade. Qu’en retrouvera-t-on, si jamais on revient ? Même sensation qu’au premier instant, quand le ravage a surgi devant nous, et ce sont les mêmes mots qui nous montent aux lèvres. Ah ! grande face dévastée, auguste figure aveugle ! Les verrières crevées, les portails vides sont ses yeux éteints ; les pans de pierre écorchée et rougie par la flamme, ses plaies et cicatrices. Elle enchantait jadis par ses sourires et ses parures, par sa jeunesse que les siècles ne pouvaient pas toucher, par toute l’innombrable floraison de sa beauté. Elle n’était qu’harmonie, louange, bienheureuse adoration. Voici que tout le pathétique l’exalte et la transfigure, — et peut-être ses profondes significations apparaissent-elles mieux, comme souvent, dans les destructions de la mort, les grandes lignes de vie, les lignes intérieures et permanentes de la créature, viennent se révéler. Mais combien fragile, sans doute, cette majesté nouvelle et saisissante ! N’est-ce point celle de la forêt incendiée, quand tout va s’émietter, bientôt, sous les vents et les pluies ? Ah ! si par des soins infinis, en s’abstenant surtout de rien refaire, on pouvait la garder, cette sublime figure morte, quel plus émouvant témoignage pour affirmer aux générations à venir la noblesse antique de la France et le crime inexpiable de son ennemie !


ANDRE CHEVRILLON.