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Bizerte ou, comme certaines informations le lui faisaient croire, à Corfou. Les communications télégraphiques étaient en effet interrompues et la difficulté de se tenir en contact avec les Cabinets alliés aggravait encore la situation. Il n’était plus possible de rester plus longtemps à Scutari ; on y attendait d’ailleurs d’un instant à l’autre le roi Nicolas et le corps diplomatique accrédité auprès de lui qui fuyaient devant l’Autrichien ; l’armée serbe et la foule des réfugiés étaient à la merci d’un coup de main de l’ennemi ; il fallait à tout prix précipiter l’évacuation ; dans l’intérêt de la cause serbe, le Gouvernement et le Régent étaient dans la nécessité de se rapprocher des Cabinets alliés.

Le 13 janvier, à onze heures du matin, M. Pachitch nous annonçait qu’en raison de la situation créée par la capitulation du Monténégro, le Gouvernement avait décidé de quitter dès le lendemain matin Scutari et de nous emmener avec lui à Saint-Jean de Médua, où nous serions dans la soirée prêts à nous embarquer sur le bâtiment qu’il nous priait de demander d’urgence à nos gouvernemens. Où le Gouvernement irait-il ensuite ? M. Pachitch l’ignorait ; il ne pouvait en effet indiquer la ville où il transférerait le siège du Gouvernement avant d’avoir appris avec précision dans quelle région les Alliés faisaient la réorganisation de l’armée.

Depuis plusieurs jours le ministre d’Italie avait reçu de son gouvernement l’autorisation de télégraphier directement au duc des Abruzzes, commandant en chef l’armée navale de l’Adriatique, s’il avait besoin d’un bâtiment de guerre. Le baron Squitti ne doutait donc pas que le bateau demandé par M. Pachitch n’arrivât en temps utile, à condition toutefois que le télégramme qu’il allait envoyer parvint à sa destination. Le poste de T. S. F. du consulat général d’Italie, qui était le seul moyen dont nous disposions pour télégraphier, n’avait pu fonctionner depuis vingt-quatre heures, les stations de Tarente, de Bari et de Brindisi n’ayant répondu à aucun de ses appels ; serait-on plus heureux aujourd’hui ? Après deux heures d’essais infructueux, le télégramme fut enfin expédié. M. Pachitch en était aussitôt informé et il ne restait plus qu’à faire ses préparatifs de départ.

Nous étant toujours attendus à quitter Scutari précipitamment, chacun de nous avait des chevaux à sa disposition. Quoique Saint-Jean de Médua ne fût qu’à dix ou onze heures de marche,