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population même, quoique très énervée, elle s’est contentée pendant le jour de manifester en tumulte et d’exciter les soldats, en s’abstenant de commettre directement des violences, et, la nuit venue, chacun s’est enfermé chez soi.

Tel est, fidèlement traduit d’un journal dont les renseignemens sont réputés pour leur ordinaire sûreté, le récit des deux journées du 30 novembre et du 1er décembre. Même si, dans le détail, ce récit n’était pas rigoureusement exact, il n’en resterait que trop que, par un crime où le Roi a mis les mains, elles furent sombres et sanglantes. Pour le surplus, quand on n’est pas dans le secret des chancelleries (encore faut-il savoir ce que vaut souvent ce secret), on est réduit aux conjectures. Il a été affirmé que des négociations ont été engagées, il a été démenti qu’elles l’aient été, soit entre l’amiral Dartige du Fournet, à sa sortie du Zappeion, soit entre les ministres de l’Entente et le gouvernement grec, pourtant convaincu de félonie, ce qui serait proprement incroyable et ne mérite évidemment pas d’être cru. Plus fort encore, il a été affirmé que ces négociations étonnantes auraient abouti à un accord, aux termes duquel, lorsqu’il serait ratifié, le gouvernement grec consignerait à l’amiral six batteries, s’il les acceptait, et s’il en voulait davantage, huit batteries, prix à débattre. Cela aussi est incroyable, et a été du reste démenti. Il serait bon de démentir par surcroît que le contrôle des postes et des chemins de fer, que nous avions à grand’peine antérieurement obtenu, ait dû être abandonné, et que la garnison d’Athènes en troupes royales ait été renforcée, tandis que nos marins regagnaient leurs vaisseaux et s’y rembarquaient, dans des conditions qu’il serait également bon d’établir. Si l’on a consenti au gouvernement grec le droit ou la faculté de renforcer la garnison, ce ne peut être que pour qu’il prenne en charge, à ses risques et périls, la paix publique, la vie, l’honneur et les biens des nationaux de Puissances qui ne sont pas en guerre avec lui, qu’hier encore, aujourd’hui même, il accablait de ses protestations d’amitié. Et si soi-même, on a différé d’y pourvoir, il faut que ce soit pour que ces intérêts précieux, la vie, l’honneur et les biens des nationaux, ne risquent pas d’être compromis.

Ces événemens, — ou, pour les mettre à leur échelle, cette aventure, — sont des 30 novembre et 1er décembre, c’est-à-dire vieux déjà de huit ou dix jours. Huit ou dix jours, huit ou dix nuits d’angoisse. D’Athènes, nos amis et nos compatriotes n’ont pas cessé de regarder vers la mer. Et nous, d’ici, nous n’avons pas cessé de regarder vers Athènes. Nous avons entendu les raisons par lesquelles