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au grand paquebot qui parcourt la Méditerranée. Il existe d’autres moyens de le préserver, au moins dans les parages les plus dangereux, et notamment dans le canal compris entre la Sardaigne et la côte d’Afrique où se sont produits les plus sensationnels torpillages. Seulement il faut avoir recours aux routes détournées. L’une de ces routes, dirigée, par exemple, droit au Sud, vers Bougie et poussée jusque tout près de la côte algérienne, permettra au transport de bénéficier de la zone de protection de la défense mobile d’Alger. Celle-ci, le convoyant vers l’Est, le « passera, » à la hauteur de Philippeville ou de Bône, à la défense mobile de Bizerte, laquelle, à son tour, lui faisant doubler le promontoire du Cap Bon, le remettra aux mains de la défense mobile de Malte, que je suppose outillée comme les deux autres. C’est, en somme, de l’organisation d’une route d’étapes qu’il s’agit et mes lecteurs ont sans doute reconnu déjà, depuis que je les entretiens de cette question de la défense des transports, que la ressemblance était frappante entre les procédés qu’il conviendrait d’adopter sur le théâtre maritime et ceux qui sont devenus classiques sur les théâtres continentaux, dans la guerre de mouvemens, du moins. N’en soyons pas surpris : il n’y a pas deux, manières de faire la guerre ; il n’y en a, au fond, qu’une seule, — et c’est la bonne.

Je ne m’arrête pas à montrer qu’à partir du méridien occidental de la Crète, et jusqu’à Salonique, — à supposer que l’on ne réussît pas à organiser militairement et sûrement la ligne de communications continentale Athènes-Larissa-Salonique, — il faudrait, de toute nécessité, créer dans l’Archipel une route d’étapes maritime analogue à celle que je viens de définir[1].

Est-ce tout ? Non, certes ; et il existe encore, suivant les cas, toujours, une foule de « petits moyens » qu’il n’est pas permis de négliger quand il s’agit de si sérieux intérêts. Pourquoi, d’abord, faire partir les paquebots à jour fixe et fixé fort à l’avance ? N’est-ce pas donner une prime à l’espionnage ? Bien au contraire, il convient de laisser indéterminé le jour de l’appareillage, ou même de fixer officiellement une date fausse.

Peint-on les coques en couleurs peu voyantes ? Pratique-t-on un intelligent « maquillage » ayant pour objet, non seulement de donner le change à l’ennemi sur l’identité du navire qui

  1. Presque au moment où j’écrivais ceci, on apprenait la catastrophe du Britannic, que le « poste d’étapes » Cyclades aurait probablement sauvé.