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apercevait à l’horizon, on pouvait admettre, a priori, que ce dernier n’avait pas grand’chose à craindre. Avant que le sous-marin fût parvenu, en essayant vainement de lui couper la route, à portée à peu près convenable de ses trop faibles engins, le grand vapeur s’était dérobé, et c’est tout au plus si une torpille lancée in extremis, en désespoir de cause, venait couper à grande distance un sillage qui s’effaçait déjà.

Les choses ont tout à fait changé, et c’est, malheureusement, ce dont on ne paraît pas assez convaincu. Les grands submersibles nouveaux donnent de 18 à 20 nœuds en surface et 12 nœuds, peut-être 13 ou 14, en plongée. Je viens de dire ce qu’étaient leurs torpilles, mais il faut ajouter qu’ils ont des canons de 88 millimètres[1], alors que, — des communications officieuses nous l’ont appris dernièrement, — c’est à peine si nous commençons à mettre des 75 avec affût marin, sur nos plus importans paquebots.

Les chances d’échapper au submersible d’aujourd’hui, quand on est conduit à traverser son champ d’action, sont donc beaucoup plus faibles que celles que l’on avait, il y a huit ou dix ans, de passer indemne en vue d’un des sous-marins d’alors.

Quant à la prétendue gêne causée à un vapeur rapide par la nécessité de régler son allure sur celle de son convoyeur, lorsque l’état de la mer arrête ce bâtiment de faible tonnage, il faut en rabattre beaucoup. Tous les marins savent que l’on peut, dans ce cas, donner la remorque au navire de petites dimensions en attendant l’embellie qui, dans la Méditerranée, en automne, — cas particulier et intéressant, — ne se fait jamais attendre ; que d’ailleurs, pendant la tourmente, le submersible aura peu de chances de réussite ; qu’il n’est même pas nécessaire que le « destroyer, » ou torpilleur, se relie au transport par un câble d’acier : se tenir par ses propres moyens dans la « houache, » — zone de calme relatif déterminée par le sillage du grand bâtiment, — lui sera presque toujours facile ; qu’enfin mieux vaut, de beaucoup, se réduire momentanément à 15 ou 16 nœuds plutôt que de se priver du secours du convoyeur. Et je pense que tout ceci fait justice d’un argument bien pauvre.

Mais laissons là la question de l’escorte particulière donnée

  1. Il semble que certains types spéciaux de grands submersibles poussent jusqu’au calibre de 150 millimètres. Ce seraient, si l’on veut, « des sous-marins de bombardement. » Ceux de Funchal appartenaient sans doute à cette catégorie.