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supposons même que l’on se considère comme absolument obligé d’utiliser tout le trajet maritime Marseille-Salonique.

Comment organisera-t-on la protection de notre transport si ce navire porte des troupes ou un chargement particulièrement précieux ?

La première idée qui vient à l’esprit, c’est de faire escorter cette unité par un navire léger et rapide, par deux, même, si cela était possible — on n’aura jamais assez de bâtimens légers, disais-je ici, il y a longtemps déjà ! — Mais cette idée simple s’est heurtée à l’expression péremptoire de « principes généraux. » Comme les paquebots choisis pour ces missions importantes sont des bâtimens neufs, de fort tonnage et d’une belle vitesse, — 20 nœuds, en général, aux essais du moins, — on a établi que la meilleure protection de ces grands vapeurs était leur vitesse même et que, d’ailleurs, en cas de mauvais temps, leurs petits convoyeurs ne feraient que les gêner en les obligeant à ralentir leur allure.

Que faut-il penser de ces raisons ? J.-J. Weiss disait assez plaisamment que, ne pouvant pratiquer nos maximes, nous « maximons » volontiers nos pratiques. Je me garderai de croire qu’il en soit de même ici et que l’exposé des principes que je viens de citer n’ait eu d’autre objet que de masquer l’insuffisance du nombre des petites unités disponibles pour la mission d’escorter les grands transports. Discutons donc sérieusement des argumens que j’ai déjà combattus il y a dix-huit mois, à propos de la catastrophe de la Lusitania… car tout cela n’est rien de nouveau, malheureusement !

Oui, il y a quelques années, quand les sous-marins, — alors de fort petite taille, — filaient 10 nœuds en surface et 6 ou 7, tout au plus, en plongée ; quand les torpilles automobiles, de 400 kilos au lieu de 900, marchaient en moyenne à 30 nœuds au lieu de 40, s’arrêtaient dans leur course incertaine à 1 500 ou 2 000 mètres, au lieu de courir en ligne droite jusqu’à 5 000 et 6 000 mètres ; quanti enfin les périscopes et les procédés de visée n’avaient pas encore reçu les perfectionnemens dont on les a dotés plus tard et particulièrement depuis deux ans ; bref, quand les moyens d’attaque du petit bâtiment de plongée contre les grands bâtimens de surface étaient encore rudimentaires et, point essentiel, exigeaient qu’il se trouvât, par grand hasard, sur la route même du navire rapide qu’il