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« Que la base de Zeebrugge existe encore, c’est un motif d’étonnement[1]… »

Cette guerre est une source inépuisable d’enseignemens. À ceux qui ne peuvent plus faire autre chose pour servir leur pays que d’offrir de modestes avis aux hommes qui ont la lourde charge de diriger les affaires, elle apprend la vertu de la patience et la vanité des prédictions importunes.


Considérons maintenant cet autre transport, qui part d’un port quelconque d’Écosse et qui se dirige vers Arkhangelsk avec un chargement particulièrement précieux, — ne précisons pas trop, — car il s’agit de fournir des moyens d’action à un nouveau et cher allié. Ce vapeur est coulé en route par un de ces sous-marins perfectionnés que l’Allemagne a envoyés pour « tenir » la ligne de communications Lerwick[2]. Arkhangelsk en attendant Lerwick-Alexandrowsk (du fjord de Kola, sur la côte mourmane) ; un de ces sous-marins, justement, qui s’installaient comme chez eux dans les profondes découpures du Nordland norvégien, où ils se ravitaillaient, se reposaient, se réparaient et recevaient de mains sûres les avis utiles à leurs opérations ; bref, un de ceux dont les agissemens ont conduit la Norvège à prendre le décret du 13 octobre, sujet d’épineuses négociations entre le royaume et l’Empire allemand.

Quel genre de protection convenait-il de donner à ce bâtiment ? S’agissait-il ici de moyens préventifs appartenant à l’ordre stratégique ? Évidemment non… à moins, toutefois, que l’on ne se précautionnât, soit à Jean-Mayen, soit à l’île Baren, encore plus rapprochée du Cap Nord, d’une base intermédiaire, d’un relais de « patrouilleurs » qui eussent trouvé là du combustible et peut-être, malgré l’insécurité des mouillages de ces îles, quelques nuits de repos.

Mais restons dans la simple logique et reconnaissons qu’il fallait escorter ce transport. Il est d’ailleurs fort possible qu’on l’ait fait. Je l’ignore. Je tiens à l’ignorer et je répète que je ne traite ces questions qu’à un point de vue objectif.

Il fallait l’escorter. Mais comment ; avec quelle sorte de

  1. Revue des Deux Mondes du 15 février 1915 : « La guerre aérienne et les derniers exploits des sous-marins, » p. 891.
  2. Je prends ce port des Shetland comme point de départ fictif de la ligne de communications dont il s’agit, laquelle part évidemment d’un port d’Écosse.