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passagers qui veulent franchir le Pas de Calais et que l’on emploie aussi à porter du personnel militaire. Ce bateau est rapide ; la traversée est courte. D’ailleurs, la défense du détroit est parfaitement organisée : dans l’Est, obstacles sérieux, fort difficiles à franchir pour les sous-marins. Dans le détroit même, incessante surveillance de « patrouilleurs ; » projecteurs, canons, appareils aériens.

Le vapeur en question est cependant assailli, par une nuit de mauvais temps où il traversait sur lest et vide de passagers, heureusement ; et il est assailli par des torpilleurs, non point par des sous-marins. J’ignore si l’on avait prévu cela. Je pense que oui, mais que l’éventualité semblait peu menaçante. On a reconnu en tout cas, devant les Communes anglaises, qu’il n’est pas aisé d’éviter de fâcheuses surprises, quand s’y prêtent les circonstances de temps et de lieu.

N’y avait-il donc pas de remède ou plutôt de moyens préventifs pour une si fâcheuse aventure ?

Si fait ; et le Times l’a découvert quand il a donné comme conclusion de l’affaire cette simple remarque : « Tant que nous n’aurons pas détruit la base de Zeebrügge, nous serons exposés à des coups de ce genre. »

C’est très juste. Moins autonomes, moins « endurans » que les sous-marins nouveaux et perfectionnés de l’Allemagne[1], beaucoup plus exposés que ceux-ci à être découverts, s’ils n’agissent la nuit et par temps propice, les grands « Hoch see torpedo-boote » veulent partir d’une base très rapprochée de leur objectif pour se sentir bien en mesure d’atteindre celui-ci en temps utile. Zeebrügge leur convient fort. Borkum et l’Ems seraient un peu loin. De sérieuses précautions auraient été nécessaires pour franchir 270 milles et le redoutable saillant hollandais de Ter Shelling, où l’on courrait grand risque d’être intercepté.

Quoi qu’il en soit, on voit bien qu’ici la solution du problème de la protection des transports est de l’ordre stratégique, en tout cas de l’ordre des moyens préventifs, et l’on me pardonnera peut-être si je cède à la tentation de rappeler que j’écrivais ici même, il y a vingt-deux mois déjà, cette phrase inquiète :

  1. Ceci eût paru paradoxal, il y a peu de temps encore. C’est cependant la vérité d’aujourd’hui.