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cimier du casque. On a démonté les vitraux anciens qui décodaient les fenêtres des églises ; et infatigablement, chaque jour, on travaille à compléter ces mesures de protection. On se préoccupe de couvrir d’un enduit, qui les rendra plus réfractaires à l’incendie, les bois des charpentes ; on s’ingénie à protéger plus efficacement les mosaïques de Saint-Marc. Encore une fois, on fait tout ce qu’il est humainement possible de faire pour sauver les chefs-d’œuvre de Venise.

On a fort discuté, et assez vivement critiqué même, quelques-unes des mesures prises, dont on craint des effets fâcheux pour la stabilité de tel ou tel monument. Il ne m’appartient pas de prendre parti dans ce débat infiniment délicat. Hélas ! quoi qu’on fasse et si bien qu’on fasse, il n’est que trop certain que, pour éviter d’irréparables malheurs, il faudrait pouvoir protéger tous les monumens de Venise, et qu’en bien des cas c’est chose proprement impossible. Mais il est certain aussi que les mesures prises étaient nécessaires, et c’est la honte, la honte ineffaçable pour l’Autriche, qu’elles aient été nécessaires.


Dès le lendemain du jour où l’Italie déclara la guerre à l’Autriche, et pour préciser, dans la matinée du 24 mai 1915, un avion ennemi paraissait au-dessus de Venise, justifiant ainsi toutes les craintes éprouvées et toutes les précautions prises-Depuis lors, vingt-deux fois, — sans parler des attaques qui n’ont pas réussi à atteindre le but, — les avions autrichiens ont jeté des bombes sur Venise. Le 24 octobre 1915, l’église des Scalzi était atteinte, et la grande fresque de Tiepolo, la Translation de la Maison de la Vierge à Lorette, qui en décorait lu plafond, était réduite en miettes : on en conserve à l’Académie les débris informes, comme un monument insigne de la barbarie autrichienne. Dans la nuit du 9 au 10 août 1916, une bombe incendiaire mettait le feu à Santa-Maria Formosa, dont les voûtes crevées ne soutiennent plus que par miracle la coupole fortement ébranlée ; le lendemain, dans la nuit du 10 au 11 août, San-Pietro in Castello brûlait à son tour, et la moitié de sa coupole s’écroulait dans les flammes : c’était la double réponse autrichienne à la prise de Gorizia par les Italiens. Dans la nuit du i au 5 septembre, une bombe éclatait à quelques mètres de la façade de Saint-Marc. Dans la nuit du 12 au