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mieux ni plus fraîche. Autrement, sois-en bien sûr, ce n’est pas de ma santé que je me serais occupée. J’ai reçu, depuis que je suis à Aix, trois lettres de toi, du 15, du 19 et du 21. Je suis touchée de l’intérêt avec lequel l’Empereur t’a parlé de moi. Il sait qu’il n’y a pas de cœur qui lui soit plus dévoué que le mien. J’ai vu avec plaisir que mes premières lettres t’étaient parvenues. Tu as dû en recevoir une de moi tous les jours pendant les quinze jours qu’Auguste n’a pu t’écrire. Auguste a mis trop de prix aux cadeaux que j’ai faits : ils ne sont pas si considérables que tu le penses. C’est toi, mon cher fils, qui es maintenant magnifique ; je ne suis ton exemple que de loin. D’ailleurs, l’ordre et l’économie couvriront aisément les dépenses qu’il est convenable de faire. Tu sais que je devais beaucoup l’année dernière ; j’ai tout acquitté. J’ai payé comptant toutes les dépenses de cette année et j’arriverai à la fin de décembre sans rien devoir[1]. Il y a dans ce moment peu de monde à Aix. Cependant j’y ai trouvé encore la reine d’Espagne, la princesse Pauline et la princesse de Suède. J’ai déjà pris trois bains ; je me dépêche pour profiter des derniers beaux jours, mais, malgré mes soins, je doute que les eaux me paient le sacrifice que je leur ai fait. Adieu, mon cher Eugène : aime-moi, je t’aime et t’embrasse tendrement.

« JOSEPHINE.

« Mme de Saint-Alphonse et M. de Beaumont sont touchés de ton souvenir et me prient de t’exprimer leur reconnaissance. Ce pauvre M. de Beaumont est dans le chagrin. Il vient d’apprendre que son fils, qui est en Espagne, a eu la cuisse percée d’une balle. »


D’Aix, l’Impératrice est venue à Prégny sur le lac, où elle restera jusque vers le 20 octobre.


A Prégny, près Genève, le 9 octobre (1812).

« Ta lettre du 8 m’a fait du bien, mon cher Eugène, je t’attendais avec impatience, quoique toutes les nouvelles dussent me rassurer pour toi, j’avais besoin d’un mot de ta main pour être entièrement tranquille. Je le suis maintenant et je puis jouir

  1. Rien que chez Leroy, Joséphine dépense, en 1812, 170 286 fr. 21, sur quoi elle laisse en souffrance 96 611 fr. 43 qui ne seront soldés qu’en novembre 1813. Par-là on peut juger du reste.