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mieux me rapprocher de toi, surtout si j’avais l’espérance de te voir, mais si cette espérance ne m’est pas permise quel serait mon rôle tout cet hiver ? Au lieu qu’en prolongeant encore mon absence, pendant sept à huit mois, les circonstances me deviendront, j’espère, plus favorables, puisque l’Impératrice aura acquis de nouveaux droits à ton amour ! Je charge la Reine de causer avec toi sur mes intérêts et d’entrer dans tous les détails que je ne puis pas t’écrire. Elle te dira combien tu m’es cher et qu’il n’y a aucun sacrifice qui puisse me coûter lorsqu’il s’agit de ton repos. Si tu me conseilles de rester, je louerai où j’achèterai une petite campagne aux bords du lac. Je désire seulement savoir s’il n’y aurait pas d’inconvénient à l’avoir près de Lausanne ou de Vevey, si je trouvais le site plus conforme à mes goûts. J’irai aussi en Italie pour voir mes enfans. Je compte employer une partie de l’automne à parcourir la Suisse, car j’ai besoin de beaucoup de distractions et je n’en trouve qu’en changeant de lieux. Je retournerai peut-être encore l’été prochain aux eaux d’Aix qui m’ont fait du bien. Ce sera une année d’absence, mais une année que je supporterai par l’espérance de te revoir ensuite et par l’idée que ma conduite aura eu ton approbation. Décide donc ce que je dois faire et, si tu ne peux pas m’écrire, charge la Reine de me faire connaître tes intentions. Ah ! je t’en conjure, ne refuse pas de me guider. Conseille ta pauvre Joséphine ; ce sera une preuve d’amitié et tu la consoleras de tous ses sacrifices. »


L’Empereur a fait répondre par Mme de Rémusat une lettre que l’Impératrice a reçue à Berne, probablement dans la première quinzaine d’octobre. Joséphine y voit une menace de proscription, elle écrit à l’Empereur, à Hortense, elle envoie Deschamps, son secrétaire, aux nouvelles. Elle offre de rester à Genève, d’aller à Milan, de ne reparaître à Navarre qu’en septembre. Elle passe à des velléités de résistance désespérée. Enfin, le 13 octobre, elle reçoit par Hortense les dernières instructions de l’Empereur. Il a dit Milan ou Navarre. Elle choisit Navarre et tout de suite s’en vient à Malmaison. Car elle a de la logique. De là elle écrit :


A Malmaison, 17 septembre (1810).

« J’ai différé de t’écrire, mon cher Eugène, j’attendais une occasion sûre et je profite aujourd’hui du départ du trésorier