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disposait ces malheureux à un nouvel exode ; à leur exemple, la panique s’empara des habitans de Nich, dont beaucoup allèrent établir leurs familles à Prokouplié, à Kourchoumlié et dans les villages de cette région montagneuse qui leur paraissait devoir rester inaccessible aux armées ennemies. Nich peu à peu se vidait.

Le 14 octobre 1915 avait été fixé pour le départ de ceux des membres du corps diplomatique qui devaient être transportés à Monastir, avec les archives de l’Etat et le personnel des principales administrations. La fatalité voulut que le train spécial commandé à cet effet par le ministère des Affaires étrangères ne pût être prêt, tous les wagons disponibles ayant été réquisitionnés par l’autorité militaire. Le départ fut remis au surlendemain 16 octobre ; mais si alors le train fut prêt, la voie n’était plus libre ; les Bulgares l’avaient coupée à Vranja. Il n’était plus possible de se rendre à Monastir en chemin de fer, car jamais on ne trouverait assez d’automobiles pour aller par Prokouplié, Pristina et Ferizovitch, rejoindre la voie ferrée à Uskub.

Après quelques hésitations, M. Pachitch décida que l’on conduirait à Tchatchak, important chef-lieu de département, à deux heures de Kraliévo, tous ceux que les circonstances avaient empêché de transporter à Monastir ; ils partiraient le 18 octobre. Les villes de la Morava de l’Ouest : Kruchevats, Terstenik, Kraliévo, Tchatchak, devinrent alors l’asile de milliers de réfugiés ; on se croyait en sécurité dans cette vallée protégée par les montagnes de Rudnik et à l’écart de la grande route traditionnelle d’invasion. Des centaines de femmes de fonctionnaires, de professeurs, d’officiers, vinrent y chercher refuge en s’établissant principalement aux bains de Vrntzé et de Ribarska.

Le 19, le Gouvernement prévint les quatre ministres alliés de se tenir prêts à partir pour le lendemain ; si en effet au Nord la situation se maintenait, elle s’était aggravée au Sud par la marche des Bulgares vers Vélès.

Le 20 octobre, un train spécial emmenait de Nich, avec le président de la Skouptchina et quelques fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, les ministres de France, d’Angleterre, d’Italie et de Russie à Kraliévo qui ne devait être pour eux que la première étape de l’extraordinaire odyssée dans laquelle ils allaient se trouver entraînés à la suite du Gouvernement royal serbe.