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Désirant rester en contact étroit avec le Régent, avec le quartier général et avec l’armée, le Gouvernement voulait, s’il était obligé de quitter Nich, ne se fixer que dans une ville qui eût joué un rôle dans l’histoire nationale de la Serbie. Kraliévo, ou Karanovats, répondait à ces vues ; mais comment installer, dans cette ville de trois mille habitans, le corps diplomatique à côté des ministres serbes ? Kraliévo n’offrirait pas assez de ressources pour cela ; aussi M. Pachitch fit-il connaître que le Gouvernement, quand il se déplacerait, ne prendrait avec lui que les ministres des quatre Puissances de l’Entente, avec un seul secrétaire par légation : « Nous irons, disait-il, dans des localités où nous aurons tant de mal à nous loger, à nous nourrir et à trouver des moyens de transport qu’il est indispensable de réduire notre personnel au strict minimum. » Il fut donc décidé que les agens en surnombre des légations d’Angleterre, de France, d’Italie et de Russie, iraient, avec les ministres de Belgique, de Grèce et de Roumanie et leur personnel, à Monastir, ville choisie par le Gouvernement pour y transférer ses services.

Mais tandis que ces dispositions se prenaient, la population s’inquiétait ; les Serbes avaient appris l’interprétation que la Grèce donnait à son traité d’alliance ; ils constataient qu’à l’abandon de la Grèce s’ajoutait le silence de la Roumanie ; ils se voyaient seuls contre trois ennemis puissans ; malgré tout leur courage, ils souhaitaient anxieusement d’être secourus par les Alliés. Le 6 octobre, Nich s’était pavoisée pour faire fête au…e régiment de ligne dont le général Bailloud avait officiellement annoncé l’arrivée au Gouvernement, et la Serbie entière, en dépit de la prise de Belgrade par l’artillerie lourde allemande, frémissait d’espérance à la pensée que ce premier régiment serait bientôt suivi par d’autres « Franzousi » qui viendraient combattre côte à côte avec les soldats paysans de la Choumadia et du Timok. Le contre-ordre donné à Salonique causa une profonde déception.

Bien des Serbes déjà partaient pour Salonique ou y envoyaient leur famille ; le souvenir des atrocités commises par les Austro-Hongrois au cours de leur offensive de 1914 hantait encore les imaginations des milliers de gens qui, alors, avaient dû abandonner leurs foyers de Chabafz, de Losntlza, de Belgrade et s’étaient fixés à Nich et dans les petites villes des environs, Alexinats, Leskovats ou Vranja. La crainte des Bulgares