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Voici la réponse de Chateaubriand :


Paris, 7 octobre 1837.

« Vraiment, Monsieur, je suis bien touché et bien honoré de votre souvenir ; j’ai seulement été désolé que Mme Thierry se soit donné la peine de venir me chercher si loin, quand il lui suffisait de m’écrire. J’aurais trouvé un moment, au milieu de mes inquiétudes et de mes chagrins, de[1]me rendre à ses ordres.

« J’ai écrit à M. Berlin, mais je n’ai jamais cru au succès ; j’espère maintenant que tout cela est fini. À la hauteur où vous êtes, Monsieur, rien ne peut vous atteindre ; laissez votre gloire faire justice de tout ce qui pourrait vous blesser. Aussitôt que j’aurai un instant de santé, j’en profiterai avec empressement pour aller vous porter le nouveau tribut de ma sincère et constante admiration. Mes hommages respectueux, je vous prie, à Mme Thierry.

« CHATEAUBRIAND. »


Durant les années qui suivent, l’évocateur des Martyrs que les infirmités commencent à gagner et qui « s’est ennuyé dès le ventre de sa mère, » cherche à tromper cet ennui par de fréquens voyages. Vaine poursuite à la recherche de l’impossible. À quoi bon, constate-t-il lui-même, avec toute la mélancolie de René, « traverser le ciel à tire-d’ailes, sans avoir le temps de se livrer à une rêverie ou de placer une idée sur sa route ? Il n’y a que Françoise de Rimini avec laquelle on peut fuir d’une fuite éternelle.


Quali colombe dal disio chiamate
Con l’ali aperte e ferme al dolce nido
Volan per l’aer dal voler portate. »


Entre temps, néanmoins, il a déménagé, quitté la rue d’Enfer pour s’installer 112, rue du Bac. Ce voisinage relatif facilite les relations mutuelles entre les deux écrivains. J’en trouve pour preuve les billets de politesse échangés entre eux à cette époque. Déjà presque entièrement condamné par la paralysie à l’immobilité, Augustin Thierry se fait de temps à autre

  1. Sic.