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éphémères, contienne une part de « bluff » plus ou moins forte, qu’allons-nous faire pour répondre ? Nous disons, nous, les Alliés, la Quadruple, la Décuple Entente. Ce n’est pas par le défaut de nombre que nous péchons, mais bien plutôt par l’absence d’unité. Le service le plus certain que nous puissions nous rendre à nous tous est de nous en convaincre les uns les autres. Jusqu’ici, nous avons trouvé une formule, qui fait merveille au bas de l’acte final d’une Conférence : » l’unité d’action sur le front « unique; » peut-être même est-ce plus qu’une formule admirable, est-ce un « mythe,  » dans la bonne acception du mot. Mais les mythes n’ont d’importance que lorsqu’ils deviennent créateurs de force et d’action. Ce qui était à dire est dit ; il reste ce qui est à faire.

D’où la nécessité, pour chaque nation de l’Entente, d’un gouvernement, et, pour l’Entente en son ensemble, d’un gouvernement des gouvernemens. Nous voyons bien que la Russie a remplacé M. Sturmer par M. Trépoff (comme l’Allemagne, du reste, M. de Jagow par M. Zimmermann). Mais il ne s’agit pas de changer de ministres, et n’allons pas commettre la vulgaire erreur de confondre le « ministère » et le « gouvernement. » C’est Jérôme Paturot qui s’exprime ainsi, ce n’est ni Montesquieu, ni Tocqueville; c’eût été encore moins l’école des politiques réalistes. La Chambre, chez nous, va entrer en retraite: que Dieu l’éclaire, et que l’Esprit se pose sur le président du Conseil; mais, s’il nous accorde cette grâce, sous une autre forme que celle d’une « langue de feu! » Un ministère de vingt-cinq membres, dont quelques-uns sont éminens, la plupart distingués, et le surplus indifférent, entre au Comité secret ; qu’il en sorte un gouvernement. Les mêmes noms, les mêmes hommes, les mêmes ministres, mais avec une volonté de plus. C’est le besoin impérieux, l’appel ardent, le vœu unanime de la France.


CHARLES BENOIST.

Le Directeur-Gérant, RENE DOUMIC.