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pas à demi menteuse. Quelle devise va se donner son successeur, après avoir, non sans tergiverser, choisi son numéro ? Il sera donc, comme empereur d’Autriche, Charles Ier, et Charles IV comme roi de Hongrie: preuve de plus que la monarchie est double, et que l’unité ne s’en est jamais parfaite, même dans l’unité du souverain. Sa première pensée avait été, en se faisant appeler Charles VIII, de s’insérer à son rang de successeur de Charles-Quint ; et, pour les Puissances de l’Entente, elles n’y eussent point vu d’inconvénient. Mais pour l’Allemagne qui, par ses hommes d’État et par ses professeurs, prétend aussi à l’héritage du Saint-Empire romain des nations germaniques et qui a laborieusement fondé, sur cette filiation plus que contestable et d’ailleurs contestée, l’Empire prussien des Hohenzollern, c’eût été, de la part de l’Autriche, comme une revendication de titre. Guillaume II ne pouvait souffrir qu’on effaçât ni 1866, ni 1871 ; et, sans ménagement, il a ramené son protégé et allié à 1806 ; ce qui lui a procuré à bon compte le plaisir de se contempler une fois de plus en Napoléon. Devant le froncement du sourcil olympien, il a fallu que l’empereur Charles en fit son deuil: il ne sera ni Octave, ni Auguste : il restera Habsbourg-Lorraine et ne renouvellera pas les Habsbourg d’Espagne. Comme s’il n’avait pas assez des hérédités immédiates qu’il porte; comme si, en particulier, ne pesait pas sur lui la lourde hérédité de cet archiduc Othon dont la turbulente jeunesse et l’orageuse maturité firent si souvent le désespoir et la fureur de François-Joseph ; comme s’il était désireux d’ajouter aux charges directes de son ascendance les tares historiques du sang d’ancêtres éloignés, par exemple, cet étrange amour de la mort, cette thanatophilie, qu’on a décrite médicalement, et qui fut la manie obsédante des Charles-Quint et des Philippe II! On a dit de Charles Ier, que de tous les archiducs que, l’un après l’autre, François-Joseph dut regarder comme ses successeurs possibles, il est celui que le vieil Empereur préféra. L’éloge, en lui-même, ne vaut guère, puisqu’il ne vaut que par comparaison. Nous verrons ce que la vie et le règne nous révéleront des motifs de cette préférence.

En attendant, Charles Ier d’Autriche, Charles IV de Hongrie accomplit les rites, conformément au plus strict cérémonial, notifie son avènement aux Cours étrangères, se prépare à aller ceindre à Budapest, sur le tertre formé de la terre apportée de tous les comitats, et avec le geste de l’épée pointée aux quatre points de l’horizon, cette couronne de Saint-Etienne, sans laquelle la fierté magyare ne connaît pas de roi apostolique. Non est rex, nisi coronalus, affirme le droit