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acquise et de talent renouvelé entre Les Noëllet et La Terre qui meurt, entre les aquarelles de la côte bretonne glissées dans Madame Corentine et la vigoureuse fresque maritime qui court dans Gingolph l’abandonné. Sans méconnaître le charme de ses récits de voyage, qui lui firent recueillir avec aisance la jolie succession de Xavier Marmier, — vous vous rappelez comme il a bien vu les Italiens d’aujourd’hui, décrit l’Espagne et le Spitzberg et, jadis, un peu découvert la Sicile, — on est plus souvent d’accord pour admettre que trois ou quatre de ses livres resteront parmi les chefs-d’œuvre du roman français. Si je ne vous les nomme point, c’est que, tout en étant de cet avis, vous avez peut-être à l’esprit d’autres titres que les miens. Mais, lorsqu’un écrivain a fait accepter de telle sorte sa maîtrise dans un genre littéraire bien défini, il est étiqueté pour jamais et emprisonné dans sa notoriété. On lui accordera difficilement qu’il puisse marquer sa supériorité en d’autres domaines, les Français n’aimant point compliquer l’image qu’ils se font des gloires qu’ils ont consacrées. Les artistes eux-mêmes ont à redouter ce parti pris national. On en a vu, à la Renaissance, qui furent à la fois architectes, peintres, sculpteurs et poètes, et dont il n’est que juste d’admirer l’œuvre tout entière. Cette variété de mérites, si elle se produisait aujourd’hui, déconcerterait nos contemporains et mettrait de méchante humeur la critique qui les renseigne. On discutera donc l’autorité de M. René Bazin comme « amateur de couleurs, » malgré l’extrême modestie de la qualité qu’il revendique. Il ne faut point l’engager à réimprimer des vers de jeunesse, que je sais charmans, mais qui achèveraient de désorienter certains de ses admirateurs. C’est beaucoup, s’ils consentent à ouvrir le nouveau livre, qui va déranger leurs habitudes. Soyons assurés, du moins, qu’ils le liront jusqu’au bout, puisqu’ils y retrouveront tout de leur auteur préféré et y feront même de délicieuses découvertes.

Ils apprendront, d’abord, comment M. René Bazin a fait connaissance avec l’art de la peinture. Ne le croyez point tout à fait, quand il vous conte sa manière de visiter les expositions et les musées. Il n’est pas seulement ce « promeneur attentif, qui va… ouvrant les yeux, ouvrant son cœur, comme s’il était dans la campagne, et qui attend que les murs parlent, comme parlent les plaines, les montagnes, les eaux violentes eu calmes,