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trois jours venaient d’être perdus en conversations inutiles, il n’y avait plus un instant à perdre si l’on voulait éviter à la capitale une occupation étrangère. Il aurait pu ajouter qu’il avait cédé à la peur qui s’était emparée de lui.

Il est vrai qu’à ce moment, sa situation apparaissait comme désespérée. A la date du 8 juillet, les succès serbes n’étaient plus douteux, et, à Sofia, l’émotion était intense. Le public ne recevait aucune information précise, les relations postales et télégraphiques étant interrompues depuis dix jours. Seuls, les télégrammes du gouvernement et des légations étaient transmis.

Dans cette détresse, le gouvernement royal demandait à la Russie et à la France d’intervenir pour faire cesser les hostilités, et pour qu’il fût mis un terme à l’effusion de sang « qu’il déplorait. » Comme gage de la sincérité de sa démarche, il annonçait que ses troupes avaient reçu l’ordre de revenir en arrière ; malheureusement, la cessation des hostilités ne dépendait pas uniquement des Cabinets de Saint-Pétersbourg et de Paris. Ils ne pouvaient que donner des conseils de modération à la Serbie et à la Grèce, ce que faisait la France aussitôt, ainsi que le prouvent les remerciemens que lui adressait le ministre des Affaires étrangères Ghénadief à la date du 19 juillet. Il y était fait allusion « aux sentimens de confiance et de reconnaissance que les Bulgares éprouvaient pour la France, qui, déjà en 1885, alors que la Bulgarie lui était inconnue, avait défendu sa cause à Constantinople. » Constatons en passant que ces sentimens étaient exprimés au nom du roi de Bulgarie, alors que, bientôt après, il devait les fouler aux pieds.

La Russie répondait à son appel en l’invitant à envoyer un représentant à Nisch, où il se rencontrerait avec ceux des gouvernemens grec et serbe, en vue d’une conférence dans laquelle seraient examinés les moyens de mettre un terme à la guerre. Mais cette réponse était interprétée à Sofia comme la preuve que la Russie ayant été impuissante à faire accepter son arbitrage avant le conflit, refusait maintenant d’intervenir comme arbitre. C’était un désastre pour le gouvernement bulgare. Abandonné aux exigences des Grecs et des Serbes, assurés eux-mêmes des encouragemens de la Russie et du concours de la Roumanie, il était probable que ses anciens alliés, exaspérés par l’attaque du 29 juin, se refuseraient à toute concession, et qu’obligé de subir leurs volontés, il serait plus cruellement