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ils trouveraient toujours un appui efficace à Pétersbourg, à Londres, voire à Berlin. Il est trop prudent pour ne pas faire entrer cette considération en ligne de compte quand il porte un jugement sur l’attitude du gouvernement hellénique. Mais lorsqu’il parle des Serbes, il ne se croit pas tenu à la même réserve. Il les accuse des pires méfaits et les englobe tous, Roi, gouvernement et peuple, dans la même réprobation. L’appui particulier que le gouvernement russe donne à la Serbie est aussi pour lui une cause d’amers regrets. La Bulgarie n’est-elle pas à tous les points de vue supérieure à la Serbie ? N’est-elle pas plus digne de la bienveillance et de la confiance du grand empire slave ? Aussi est-il jaloux de la préférence accordée aux Serbes par le gouvernement russe, et il s’indigne qu’à Saint-Pétersbourg, on continue à ne pas avoir confiance en lui.

— On veut toujours me considérer comme le prince de Cobourg, je le sais et je le déplore.

Cependant, plus on regarde aux causes originelles du conflit et plus semble juste la cause que plaidait la Serbie. Lorsque, par le traité d’alliance, elle avait pris des engagemens envers ses alliés, relatifs aux partages des territoires qu’on pensait conquérir, elle n’avait pas prévu que les succès militaires de la coalition procureraient à la Bulgarie des avantages considérables et supérieurs à ceux qui lui étaient attribués par ce traité. Il était donc naturel qu’elle voulût le faire modifier de manière à égaliser les parts de chacun, la victoire n’étant pas due à un seul des alliés, mais à tous.

Lorsque, après la première phase de la guerre, la Bulgarie avait demandé le concours effectif du gouvernement de Belgrade par l’envoi de troupes et d’artillerie à Andrinople, le ministre de Serbie à Sofia avait été d’avis de répondre à cette demande par un consentement conditionnel. Il estimait que la Serbie devait, dès ce moment, poser la question des compensations territoriales et faire valoir que, son programme particulier étant rempli, la guerre ne continuait que pour permettre à la Bulgarie de poursuivre ses conquêtes en Thrace. Mais cette manière de voir, quoique adoptée et soutenue énergiquement par le ministre Patchitch, n’avait pas été admise par ses collègues. La Serbie avait accordé le concours qui lui était demandé sans stipuler des compensations, se réservant sans doute de faire appel à la reconnaissance de son allié lorsque celui-ci aurait été