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malheureuse province et à élaborer un programme de réformes qu’elles s’efforceront de faire accepter par le gouvernement ottoman mais qui se heurtera chaque jour à sa mauvaise volonté.

Au cours de ces événemens, le tsar des Bulgares n’a pas perdu de vue l’indépendance de son royaume, ni renoncé à l’espoir de la proclamer L’année 1908 lui apporte presque à l’improviste l’occasion qu’il cherchait de jeter le masque. C’est la révolution de Turquie, le renversement d’Abdul-Hamid et l’avènement du parti jeune-turc. Le Sultan déchu s’était rendu tellement redoutable et haïssable, il avait si mal tenu les engagemens pris par lui envers l’Europe, laissé s’accomplir ou même favorisé tant de forfaits contre ses sujets chrétiens que les gouvernemens européens, se trompant sur les véritables dispositions des révolutionnaires qui l’avaient renversé, applaudissaient à leur victoire et à sa chute.

L’événement venait d’ailleurs à propos pour favoriser les desseins de l’Autriche-Hongrie, qui rêvait depuis longtemps de s’annexer d’une manière définitive la Bosnie et l’Herzégovine, dont le congrès de Berlin lui avait confié l’administration. Révolution à Constantinople, coup de main à Vienne, c’en était assez pour surexciter les ambitions du prince Ferdinand. L’heure n’était-elle pas venue pour lui de briser la chaîne qui le liait à la Turquie et, s’il proclamait l’indépendance de la Bulgarie, l’Europe lui serait-elle plus sévère qu’elle ne l’était pour les révolutionnaires turcs ? Sans doute, il pouvait craindre que l’Angleterre et la Russie n’approuvassent pas son initiative et ne le vissent avec regret s’émanciper sans leur consentement ; mais le concours de l’Autriche lui était assuré, et, par elle, celui de l’Allemagne, dont l’intervention officieuse, mais significative, imposerait silence aux oppositions que semblait devoir rencontrer la politique de Vienne.

Dans les derniers jours de septembre, il arrivait à Budapest pour rendre hommage à l’empereur François-Joseph qui faisait en Hongrie son séjour annuel. En cet instant, les décisions du vieux souverain étaient prises, quant à l’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine. Par ses ordres et sous ses yeux, ses secrétaires rédigeaient la circulaire qui, le 29, devait être adressée signée de lui à tous les chefs d’Etat pour leur faire part de sa décision qu’il avait voulu leur communiquer directement et non par la voie diplomatique. Le 23, à la Hofburg de Bude, il