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entre Saint-Pétersbourg et Sofia. La Russie était maintenant représentée auprès du prince par un agent à qui ses instructions commandaient de ne pas intervenir dans la politique intérieure de la Bulgarie et de ne rien dire ni de ne rien faire qui pût être considéré comme une atteinte à l’indépendance de la principauté. Successivement, toutes les chancelleries suivaient cet exemple, y compris l’Autriche-Hongrie, à qui cependant n’avait pu plaire la conduite du prince Ferdinand vis-à-vis du Vatican. La Turquie elle-même, suzeraine de la Bulgarie, se laissait entraîner dans le mouvement de sympathie dont le prince était l’objet de la part de cette même Europe qui, si longtemps, s’était abstenue de le reconnaître. Le Sultan envoyait à son vassal le firman d’investiture qu’il lui avait refusé jusque-là. Le trône de Ferdinand, après tant d’années d’épreuves, était enfin consolidé, et le prince recevait sous les formes les plus flatteuses les témoignages de la bienveillance de tous les Cabinets.

C’est alors que, son royaume étant réconcilié avec la grande protectrice et se réorganisant rapidement à l’intérieur, il se rend compte qu’il a pris figure dans le monde, et commence à envisager de plus près les moyens qui peuvent faciliter la réalisation de ses rêves ambitieux. Depuis longtemps, il s’était proposé deux buts : l’annexion de la Macédoine au royaume bulgare et l’indépendance de la Bulgarie qui, une fois proclamée par lui, acceptée par les Puissances signataires du traité de Berlin, lui permettrait d’acquérir l’hégémonie dans les Balkans et de jeter le pont par où il pourrait arriver à Constantinople.

Empêché de poursuivre les deux buts en même temps, il ajourne l’exécution des plans qui doivent le libérer du joug musulman et s’évertue à préparer son action en Macédoine. La propagande dans ce pays est habilement organisée par ses soins avec le concours de l’Eglise et de l’Ecole et l’encouragement de tous les partis politiques. Quand c’est nécessaire, il désavoue cette organisation macédonienne ; il promet aux Puissances et à la Turquie de la dissoudre et de poursuivre ses membres. Mais elle n’en devient pas moins chaque jour plus puissante et plus dangereuse. Le mouvement révolutionnaire de 1903, dont il n’est pas nécessaire de rappeler la gravité, est le résultat de cette propagande. Le mouvement est réprimé, mais il amène les Grandes Puissances à s’occuper de la situation de cette