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mouvement la force coercitive commune chargée de les maintenir.

Cette institution serait, comme je le disais tout à l’heure, la clé de voûte de l’Europe organisée.

Ne sent-on pas que l’heure est arrivée d’en venir délibérément à la fondation de cette Société des Etats, que tant de nobles aspirations et les instincts populaires ont appelée de leurs vœux ? L’histoire européenne est, depuis des siècles, en marche vers cet idéal. L’heure est venue : qu’on la saisisse.

La guerre actuelle découvrirait ainsi son sens profond et réaliserait son objet providentiel. L’homme s’agitait. Dieu le menait.

Le sol a été bouleversé pour que les assises permanentes du droit européen et du droit mondial y soient plus profondément enfoncées.

Ainsi se trouverait réalisée, dans la force et dans la liberté, la politique de l’équilibre. Déjà la Conférence de La Haye avait signalé cette solution comme le résultat le plus désirable de ses travaux : « Ce que la confiance universelle entrevoit dans la deuxième Conférence de La Haye, écrivions-nous en 1907, c’est la constitution prochaine, et peut-être définitive, d’une institution magistrale, — celle qui fut prévue par Leibnitz, — et qui, seule, peut influer réellement sur les destinées du monde : l’institution du premier Parlement universel délibérant devant l’opinion, la convocation solennelle et réitérée des ETATS GENERAUX DU MONDE. Si le XXe siècle, à peine né, développe le germe (combien fragile encore ! ) qui lui fut confié ; si la coutume des délibérations internationales publiques s’introduit dans les relations entre les peuples, que ne doit-on pas espérer de l’avenir ? L’opinion est reine et maîtresse du monde. Qu’on se fie en elle. Partout où elle est admise, elle apporte la clarté et la franchise. Le plus puissant agent de la paix, c’est la lumière[1] ! Tous les pays du monde ont appris à délibérer dans des assemblées libres. La discussion publique est la garantie la plus forte que le bon sens et la raison aient obtenue jusqu’ici. Cette longue expérience des « parlemens » doit profiter aux peuples dans leurs relations internationales. Après qu’ils ont appris à délibérer chez eux, ils doivent apprendre à délibérer entre eux.

Les quatre Puissances victorieuses deviennent ainsi, en

  1. La Politique de l’Équilibre. — La Conférence de La Haye, juin-juillet 1907, p. 29.