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particulier, faisait défaut aux vœux tout platoniques de la Conférence de La Haye. Et cette création d’une force légitime internationale n’est pas un rêve, puisqu’elle est la clause principale d’un traité qui fut, pendant cent cinquante ans, la règle reconnue, et que la nouvelle rédaction ne modifierait l’ancienne qu’en reportant à l’Europe le contrôle attribué alors seulement à deux Puissances.

Les quatre grandes Puissances qui ont combattu pour obtenir un tel résultat seraient, par la nature des choses, les quatre piliers du vaste édifice qui, comme nous allons le dire, abriterait tous les autres peuples.

Les sacrifices qu’elles ont faits résolument, les blessures dont elles se ressentiront pendant des siècles, les responsabilités et les devoirs qu’elles assument, les mettent en droit de réclamer des réparations et des sécurités particulières :

Que la Russie obtienne les débouchés laissés libres par la disparition de la Turquie européenne ; que l’Angleterre s’assure, pour son commerce et son expansion maritime, les avantages dont elle fait un usage si libéral ; que l’Italie consolide et élargisse sa situation adriatique et méditerranéenne ; que la France, si éprouvée, obtienne les avantages économiques et politiques résultant de la restauration définitive de ses frontières naturelles, ce sont là les suites normales de leur effort. Rien ne les paiera jamais des maux qu’elles ont acceptés, des risques qu’elles ont courus en considération du bien général. Leur haute conscience internationale s’est épurée encore au feu d’une telle épreuve. Leur esprit de justice garantit leur modération. Et puis, la vieille politique a fait son temps ; ses résultats sont sous nos yeux : le meurtre, la dévastation, la ruine. Et pourquoi ? Qui voudrait, aujourd’hui, emboîter le pas d’un Bismarck, marcher sur les brisées d’un François-Joseph ou d’un Guillaume, d’un Tisza ou d’un Bethmann-Hollweg ?

Mais il faut une sécurité, une garantie plus ferme encore ; les intentions ne suffisent pas : il faut des institutions. L’Europe et le monde doivent être assurés contre le retour de pareils événemens. C’est pourquoi l’heure est venue de créer une autorité suprême ayant qualité pour assurer la paix.

Seule, une institution internationale, fondée avec le consentement de tous, aura désormais la haute situation nécessaire pour connaître du droit des traités et pour mettre en