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Il ne suffisait pas à l’Église de France de prêcher à ses fidèles leur devoir envers la patrie, et de porter témoignage devant l’étranger du bon renom qu’ils méritaient : ils souhaitaient et recevaient d’elle un autre genre de leçons.

Mgr Touchet, évêque d’Orléans, sentait qu’en présence des terrifians événemens dont l’Europe était à la fois l’ouvrière et le jouet, les âmes, interrogeant Dieu, l’interpellaient sur la guerre., et qu’interrogeant l’Église elles lui demandaient une doctrine ; et la bonté de Dieu, que certains inclinaient à nier, le droit chrétien des gens, que beaucoup ignoraient, réapparaissaient en une lumière nouvelle, dans son Catéchisme de la guerre[1]. Pourquoi la guerre ? questionnaient certaines consciences. « La guerre est toujours une épreuve, — et quelquefois un châtiment, » expliquait en termes nuancés Mgr de Cabrières. Déjà, lorsque d’autres barbares menaçaient la civilisation romaine, les Paul Orose, les Salvien, les saint Augustin, se faisaient les avocats de Dieu en répondant à ce pourquoi. » Pourquoi le mal ? pourquoi la mort ? » Et l’Église de répondre : « Pourquoi le péché ? » Les leçons d’expiation que les âmes doivent, subir lors même qu’elles sont rétives à les accepter, furent développées par l’épiscopat de France. Sous certaines plumes âpres et précises, elles parurent dures à quelques hommes politiques ; d’autres évêques au contraire surent les rendre plus familières et plus doucement persuasives. Les Paroles de guerre de Mgr Gauthey, archevêque de Besançon, faisaient s’humilier les repentirs et s’exalter les vaillances. Les pages sur la souffrance, que publia le cardinal Amette, comptent parmi les réponses les plus apaisantes que l’Eglise ait jamais offertes à l’angoisse de pensée, suscitée par les angoisses du cœur.

Mgr de Gibergues, évêque de Valence, adaptait aux détresses morales créées par la guerre la consolante vertu des prières coutumières ou des dévotions traditionnelles, Pater, Rosaire, chemin de croix ; les âmes déconcertées réapprenaient que le Christ avait prévu et d’avance pansé toutes ces souffrances, qui d’ailleurs, quelque lourd que fût leur poids, demeureraient toujours inégales aux siennes.

  1. Par ailleurs, son éloquence pénétrante, incisive, volontiers empreinte d’une familiarité de bon aloi qui de plain-pied trouve l’accès des âmes, rappelait aux infirmières des hôpitaux, dans des entretiens et dans des lettres devenues publiques, la dignité de leur métier et les vertus qu’exigeait cette dignité.