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pour lesquels l’évêque improvisait des ambulances, des blessés dont les plaies parlaient de souffrance et dont les lèvres parlaient de victoire. Le 9 septembre et les jours qui suivirent ramenèrent dans Meaux les représentans des autorités administratives ; Mgr Marbeau abdiqua, et l’on ne s’étonnera pas que l’évêque qui, dix jours plus tôt, n’était rien au point de vue civil, et qui subitement, parmi ses ouailles anxieuses, était devenu tout, soit, de par leur gratitude, demeuré quelque chose, parce qu’il fut quelqu’un.

Meaux, en dépit des menaces, fut inviolé : Soissons, Châlons-sur-Marne furent, quelques jours durant, des villes conquises, et leurs deux évêques s’en improvisèrent en quelque mesure les défenseurs. Il restait à Soissons, à la fin d’août 1914, quatre conseillers municipaux ; le maire avait démissionné. Mgr Macherez, et M. l’adjoint Muzard, installèrent dans l’Hôtel de Ville un comité pour faire face aux envahisseurs. L’état-major allemand demanda deux otages pour la nuit du 3 au 4 septembre : Mgr Péchenard, évêque de Soissons, s’offrit et fut refusé ; son vicaire général survint et fut accepté. Les Allemands se plaignaient de manquer de logemens, menaçant de châtier la ville : une démarche de l’évêque et de Mme Macherez les apaisa. L’influence de Mgr Péchenard allait croissant ; et la chaire de sa cathédrale redevenait, comme au moyen âge, une façon de tribune publique, d’où chaque jour, en personne, il annonçait les nouvelles, commentait les exigences ennemies, indiquait la conduite à suivre. On se serait cru transporté en plein moyen âge italien, dans l’une de ces villes guelfes, où l’évêque, en face des hordes germaniques, se faisait le défenseur et l’organisateur de ce qui restait de libertés. La voirie, aussi, occupait Mgr Péchenard ; il visitait le quartier Saint-Vaast, devenu malpropre ; il avisait à l’écoulement des eaux. Un prêtre de son séminaire, l’abbé Litierre, servait constamment d’interprète entre le comité de l’Hôtel de ville et les officiers allemands. Puis, au bout de douze jours, les envahisseurs se retirèrent, et la longue série des longs bombardemens commença, au cours desquels, Soissons n’étant plus qu’un désert, l’évêché, avec beaucoup de lenteurs et de regrets, dut se transporter à Château-Thierry.

Au matin du 4 septembre 1914, Châlons s’offrait à l’ennemi comme une proie : ce n’était qu’une question d’heures, il allait