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l’ancienne loi qui, voyant un blessé sur le bord d’une roule, passa son chemin, et que la compassion du bon laïque de Samarie fut proposée par le Christ comme un exemple. C’est sous la grêle des projectiles que les Samaritains du XXe siècle doivent chercher et soigner la détresse gémissante des blessés.

Ils y vont de bon cœur. « Toutes mes affaires sont en règle, écrivait le P. Gouy, Mariste, tué il y a quelques semaines, — mes affaires matérielles comme mes affaires de conscience. Maintenant, en avant ! Que pourrais-je craindre ? » Il transporte un lieutenant blessé : une balle le terrasse. A lui et à ses pareils, les obus semblent dire : « Fuis, ou tu vas mourir. » Halte là ! riposte Mgr Lobbedey, évêque d’Arras, qui s’y connaît en héroïsme, votre conscience vous dit : « Reste, même s’il faut mourir ! » et les lignes dans lesquelles il glorifie les malheureux mutilés du champ de bataille comme des « images plus frappantes du Christ, » et leurs plaies comme étant ses plaies, et leur douleur comme étant sa douleur, invoquent pour ces mutilations, pour ces plaies et pour cette douleur, toute la tendresse des prêtres, moins encore au nom de leurs devoirs d’infirmiers qu’au nom de leur conscience sacerdotale.

Les hôpitaux de l’arrière, disséminés à travers le pays, réservent aux prêtres infirmiers de moins consolantes besognes. Souvent le « cafard » y règne, compagnon morose des blessures qui se traînent ou des convalescences qui s’attardent. C’est une maladie contagieuse que le « cafard : » elle se guérit soudainement, — comme elle est venue, — par quelques bonnes plaisanteries, parmi lesquelles, parfois, un prêtre ingénieux aspire à « jeter une note surnaturelle. » Mais comme on est loin du front, loin du péril, la note surnaturelle est plus exposée à tomber dans le vide ; et c’est une grande épreuve pour l’infortuné prêtre du service auxiliaire, — homme de peine, en définitive, plutôt qu’infirmier, — qui doit laisser à ses confrères du front la possibilité de devenir des héros et n’avoir, lui, d’autre héroïsme que celui de pardonner aux langues iniques, toujours prêtes à le qualifier d’ « embusqué. » Il y a des heures très dures, où, dans le désœuvrement de l’hôpital ou de la section d’infirmiers, le prêtre se demande ce qu’il fait comme prêtre, et ce qu’il fait comme infirmier. Il s’évade pourtant, Dieu aidant, de ces pénibles malaises, si j’en crois rattachant volume que vient de publier un infirmier, du