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un premier embryon de la constitution d’une nouvelle Allemagne. Une Bavière, une Saxe, un État Badois, un Wurtemberg, sans doute un Hanovre, constitueront une pléiade centrale où toutes les aspirations légitimes auront leur place et leur essor. M. de Bethmann-Hollweg reconnaissait lui-même, dans un récent discours, que l’Allemagne devait accomplir de profondes réformes démocratiques : ces réformes résulteront d’une refonte complète du système constitutionnel germanique bien plus sûrement que des promesses d’un chancelier éphémère. Les travailleurs allemands chercheront la prospérité pacifique et le bien-être, non dans l’arbitraire d’un chef militaire et d’une caste, mais dans la liberté et dans un système de garanties sociales inséparables de cette liberté.

Il est à peine nécessaire d’ajouter que dans le voisinage de la Prusse et du Hanovre, une Belgique non seulement restaurée, mais indemnisée et agrandie, sera protégée par des précautions rigoureuses contre le retour des événemens affreux qui ont démontré l’insuffisance de ses garanties contractuelles.

Une Allemagne, composée comme il vient d’être dit, suppose une Autriche ; mais l’Autriche a perdu toute autorité et compétence en ce qui concerne la haute direction des populations slaves. Son incapacité à ce point de vue est absolument démontrée. Elle a manqué à sa mission qui était d’harmoniser le jeu des forces libres dans le Sud-Est européen. Sa bureaucratie a été aussi inapte et encore plus inepte que le féodalisme prussien. Elle s’est ruée dans une servitude qui, quoi qu’il arrivât, n’avait d’autre issue que l’asservissement de l’Empire. Je ne pense pas qu’il y ait historiquement un cas plus extraordinaire d’aberration, de sottise et de corruption.

La Hongrie a tout sacrifié à ses ambitions intérieures : Budapest voulait dominer Vienne. Les Madgyars sont réduits à leurs propres forces : c’est peu. Mais, de toute façon, le slavisme avec qui les Hongrois n’ont pas su s’entendre, ne leur pardonnera, de longtemps, leur funeste accord avec l’Empire prussien. Une Autriche diminuée, une Hongrie isolée, une Pologne restaurée, une Bohême libérée, peut-être une Slavonie sortie de ses langes, telles seront, dans cette partie de l’Europe, les conditions normales et naturelles d’un système de liberté et d’équilibre.

La question des Balkans se résoudra, sans doute, par cette même nécessité de constituer des États forts.