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de la validité de ces droits, ni de ceux des Russes, encore moins de ceux des Autrichiens. Il fallait des conjonctures singulières pour amener et réunir ces esprits pour ce partage ; » mais que les Polonais relisent le poème, plat et ennuyeux du reste, qui figure dans le recueil officiel des œuvres du grand roi, sous ce titre : la Guerre des Confédérés. Ils y verront comme les traite le plus illustre et le plus représentatif des Prussiens :


Un peuple abject dans la crasse abruti,
Qui de penser n’eut garde de sa vie...


Ou bien :


Avec plaisir elle vit la Pologne,
La même encor qu’à la création,
Brute, stupide et sans instruction,
Staroste, juif, serf, palatin ivrogne,
Tous végétaux qui vivaient sans vergogne...


La politique de l’Empire allemand dans les provinces polonaises démontre que ces sentimens n’ont point changé. Mais pas un Polonais n’est dupe. « La libération de la Pologne, écrivait l’un d’eux, après la première communication de M. de Bethmann-Hollweg au Reichstag, au mois d’avril 1916, peut et doit commencer dans les domaines où, depuis plus de cent ans, le joug austro-prussien pèse sur les Polonais. La Pologne est née au bord du lac de Goplo ; c’est à Kruswica (germanisé en Kruschwitz) que fut la maison natale du premier roi de Pologne; c’est Gniezno (Gnesen) qui fut sa première capitale ; c’est à Poznan (Posen) que fut ensuite transférée la capitale ; c’est là que reposent les dépouilles sacrées des rois Miecislas et Boleslas ; c’est dans les plaines de Silésie que se trouvent les plus anciens monumens historiques de la Pologne. On semble oublier ces détails non seulement à Berlin, mais même ailleurs, et on croit pouvoir construire une France sans Ile-de-France, créer une Espagne sans Vieille-Castille, élever une nouvelle Italie sans Campagne romaine ; ou ressusciter un homme en lui arrachant les entrailles. » Nous ne saurions mieux dire ni plus énergiquement. Dès le mois d’avril, un Polonais, au nom de la Pologne, avait répondu par avance à la proclamation doublement impériale du mois de novembre la seule chose qu’il y eût à lui répondre ; pour reconstituer, que la Prusse et l’Autriche restituent.

Mais tant de sujets à traiter ou à ébaucher seulement dans un espace inexorablement mesuré nous laissent à peine de quoi faire une allusion indispensable à deux autres événemens ou incidens, qui, en des temps moins extraordinaires, eussent rempli ces douze pages,