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sonner un peu haut le service rendu, tandis que chez nous on n’apprécie pas toujours à leur valeur les sacrifices faits par l’Angleterre, les bienfaits du concours qu’elle nous donne. Et cela est regrettable. Sans doute, si la guerre est pour une part une question d’argent, elle n’est pas seulement une question d’argent ; ce n’est pas l’argent qui vaincra, mais le soldat ; ce n’est pas la valeur financière, mais bien la valeur militaire. L’Empire romain, dans toute sa richesse, a été vaincu et dépecé par les barbares. Inversement, une nation qui joue sa vie ne se rendra pas au seul épuisement financier ; l’argent, dit-on, se trouve toujours, et c’est encore un des points sur lesquels les prophètes d’avant-guerre ont vu faillir leurs pronostics, faute d’avoir évalué à son niveau, financièrement parlant, le facteur patriotique. Pourtant, il serait très téméraire de mésestimer le poids de la puissance financière dans la guerre actuelle : aux pays qui ont pour eux le droit, et la liberté des mers, elle ouvre, avec les ressources illimitées du monde, tous les élémens matériels de la victoire. Soyons donc en toute équité reconnaissans à l’Angleterre de l’aide qu’elle prête aux Alliés. Rendons justice aux efforts et aux sacrifices qu’elle s’est imposés, à l’esprit de loyale solidarité avec lequel elle a engagé dans la lutte toutes ses forces financières, à cette indomptable ténacité qu’elle apporte à l’action commune et qui fait que, sans imiter l’Allemagne où l’on crie Gott strafe England, froidement, résolument, comme elle a consacré près d’un milliard de livres aux guerres napoléoniennes, elle est décidée à en sacrifier cinq ou dix, s’il le faut, pour abattre le militarisme teuton.


L. PAUL-DUBOIS.