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et aux dégrèvemens d’impôts que prévoit d’ores et déjà, avec quelque coquetterie, le chancelier de l’Echiquier, à l’exposé budgétaire duquel nous empruntons ces chiffres. Voilà un bilan dont les résultats, s’ils font l’envie des Alliés de l’Angleterre, pourront faire réfléchir ses ennemis. Elle les a obtenus par un très rude effort de fiscalité comme de crédit, en suivant ses traditions sans recourir à aucun expédient factice ; elle n’a emprunté que les sommes qu’elle ne pouvait lever par l’impôt, elle les a empruntées au grand jour et bona fide. Ses méthodes claires et loyales s’opposent avec une netteté frappante au système d’artifices financiers de l’Allemagne, qui a jeté sur son déficit, selon le mot de M. Lloyd George, un immense « pont de papier, » en procédant à une mobilisation méthodique de son actif même irréalisable par un emploi intensif du prêt sur gage, avec cette conséquence qu’à l’inflation du crédit s’ajoute celle de la circulation, et que l’effondrement du « pont de papier » est inévitable le jour où on s’apercevra que le gage est sans valeur ou irrécouvrable. Que penser dès lors des fanfaronnades du docteur Helfferich qui, en décembre dernier, présageait déjà « l’ébranlement de la puissance financière anglaise, » et montrait « sur les colonnes dorées qui soutiennent l’empire britannique briller en lettres de feu le Mané Thécel Pharès de l’Écriture ? » Ou de cette curieuse conversation tenue naguère par la Télégraphie sans fil entre le même Helfferich et un fort honorable banquier anglais, sir E. Holden, et où Helfferich, répondant plus ou moins mal aux questions que lui posait sir E. Holden « comme un vieux banquier à un confrère, » déclarait pour finir : « Nous, Allemands, pouvons supporter la pauvreté ; mais si jamais l’Angleterre devenait pauvre, cela voudrait dire finis Britanniæ. » À quels procédés le vice-chancelier de Guillaume II n’en est-il pas réduit pour « faire l’opinion » en Allemagne ! La vérité est que l’Angleterre a pu jusqu’ici pourvoir aux charges de la guerre, non certes pas seulement sur les impôts, qu’elle a pourtant eu l’énergie d’accroître de deux fois et demi depuis deux ans, mais sur ses disponibilités, sur ses capitaux liquides. Nous n’imiterons pas l’optimisme de sir G. Paish, qui déclarait naguère qu’elle se retrouverait, financièrement, à la fin de la guerre, juste au point où elle était au début, et que sa fortune ne serait pas réduite de façon sensible. Reconnaissons plutôt avec M. Asquith que la dette de guerre