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ses impôts moindres ; c’est surtout qu’elle a joui malgré la guerre ou, faut-il dire : à cause de la guerre ? d’une prospérité sans pareille, dont voici un nouvel indice, d’après l’Economist, organe d’une compétence et d’une indépendance reconnues, qui estimait l’an dernier que l’épargne du pays pourrait être doublée, et portée annuellement à 700 millions sterling (17 milliards et demi de francs). Notez que, malgré l’énorme hausse des taux de taxation, le recouvrement des impôts n’a cessé, au cours des deux derniers exercices, de présenter des plus-values sur les prévisions. Pour 1914-15, l’income tax, dont on avait évalué, en novembre 1914, le rendement à 59 millions de livres, en a produit 10 de plus ; pour 1915-16, l’ensemble des perceptions budgétaires a dépassé les estimations de septembre 1915 de 32 millions de livres, soit de plus de 10 pour 100. Cela durera-t-il ? Ne verra-t-on pas la productivité de l’impôt se resserrer, surtout si la répartition des charges laisse à désirer ? L’avenir le dira. Ce qui est sûr, c’est que le seul développement du revenu national, le progrès de l’enrichissement, a permis jusqu’ici à la nation de porterie fardeau. Prospérité, surtaxation, les deux choses sont liées. Celle-ci dépend de celle-là. Elles sont aussi étonnantes, elles eussent paru naguère aussi incroyables l’une que l’autre. Elles sont toutes deux du même ordre, imprévu, incomparable, exceptionnel.


V

Cet effort fiscal, comment l’Angleterre l’a-t-elle réalisé ? c’est ce qui nous reste à voir. Nous devrions aussi, pour être complet, étudier de plus près les moyens de crédit employés par l’Échiquier pour combler ses déficits de guerre ; mais ce que nous en avons dit chemin faisant suffit peut-être à nos lecteurs dont certes aucun ne doute que la première puissance financière du monde ne puisse aisément se procurer sur le marché tous les capitaux qu’elle voudra[1]. En tout pays, emprunter est

  1. Du début, de la guerre au 31 mars 1916, l’Angleterro a emprunté 1733 millions et demi de livre sterling (43 337 millions de francs), savoir : bons 533 millions de l. st. ; obligations 185 ; emprunt 3 1/2 pour 100, 332 ; emprunt 4 1/2 pour 100, 582 1/2 ; emprunt anglo-français à New-York 51 ; divers moyens de Trésorerie 30. — On notera que les deux grands emprunts en rentes sont amortissables dans des délais relativement courts : l’un (l’emprunt 3 1/2 de novembre 1914) en 10-13 ans, l’autre (l’emprunt 4 1/2 de juin-juillet 1915) en 15-30 ans.