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sont toutes choses en cette guerre, à commencer par cette guerre elle-même, chiffres que les plus audacieuses imaginations eussent hésité à concevoir hier, — il y a mille ans ! — Qu’est-ce à côté de cela que les 211 millions de la guerre sud-africaine, qu’est-ce même, eu égard à la différence du prix de l’argent, que les 831 millions qu’ont coûté à l’Angleterre les guerres napoléoniennes ? Rien ne se comparé dans les annales financières à de pareilles débauches de capitaux. Rien, dans les prévisions faites avant la guerre, même chez les Allemands, n’approche de la réalité vertigineuse.

L’Angleterre est probablement celle des nations belligérantes qui dépense le plus. Elle dépense plus que la France (125 millions de francs par jour, aux derniers renseignemens, contre 93 à peu près chez nous, tout compris) ; quant à l’Allemagne, on sait qu’elle prétend que ses frais de guerre n’excèdent pas les nôtres, mais que de réserves seraient à faire sur cette allégation ! J’entends bien qu’il y a de l’autre côté de la Manche comme ailleurs du gaspillage, d’autant plus que, marine à part, le rôle de l’improvisation y a été plus grand : tout était à faire ! Le gouvernement a pris des mesures contre les abus ; il a constitué un comité de contrôle, sous la présidence d’un membre du Cabinet, auprès de chacun des trois grands départemens de la Guerre, de la Marine et des Munitions. Au reste, John Bull aime à faire bien les choses, c’est son luxe ; il donne aux Tommies un shilling par jour, il donne à leurs familles de larges allocations, aux blessés et aux veuves des pensions bien plus fortes qu’ailleurs ; il ne regarde pas aux frais quand il a son but et veut aller jusqu’au bout. Mais il y a une autre cause à la progression des dépenses britanniques, ce sont les grosses avances de fonds que fait l’Angleterre non seulement à ses colonies ou Dominions, mais surtout aux pays alliés, Belgique, Serbie, etc. (comme nous le faisons nous-mêmes sur une moindre échelle). Ce ne sont plus, comme aux siècles passés, des « subsides » qu’elle paie aux États mercenaires pour la levée des troupes continentales, ce sont des prêts qu’elle consent avec désintéressement à ceux de ses alliés qui traversent des heures difficiles. Ces avances ont atteint, sans compter le concours financier fourni aux Puissances étrangères par la Cité et par la Banque d’Angleterre, 52 millions sterling en 1914-15, et 316 en 1915-16 (dont 52 aux colonies ou Dominionsvet 264 aux Alliés) ;