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canons de tranchée, dont le calibre varie de 58 millimètres à 340 millimètres. On a d’ailleurs utilisé beaucoup, lors des improvisations du début, pour le lancement de bombes de tranchées à tranchées, les vieux crapouillots qui, depuis Louis-Philippe, se morfondaient dans les arsenaux, attendant, comme la Belle au Bois Dormant, un réveil qui devait être tonitruant. Le grand Carnot semble avoir prévu tout cela lorsqu’il écrivait en 1812 « qu’il est possible d’employer efficacement des armes en usage chez les anciens, et dont on ne se sert pas depuis longtemps. »

Ce qui a rendu possible et nécessaire la résurrection de ces vieux et modestes engins à feu et la naissance de leurs jeunes rivales, les nouvelles pièces de tranchée, c’est la proximité des tranchées adverses. Si, pour tirer sur l’artillerie qui est toujours assez éloignée ou sur les cantonnemens et ravitaillemens ennemis, il faut des canons à longue portée, en revanche, on pourra, de tranchée à tranchée, envoyer des tonnes d’explosifs avec des moyens bien plus faibles. En effet, les canons sont lourds parce qu’ils sont longs et parce qu’ils sont épais ; il faut qu’ils le soient, comme nous le verrons, pour envoyer leurs projectiles loin, et pour résister à la forte pression de la poudre nécessaire pour obtenir leur portée. Au contraire, pour envoyer un projectile, toutes choses égales d’ailleurs, à quelques dizaines et même quelques centaines de mètres, il suffit de charges de poudre beaucoup plus faibles. Pour prendre un exemple classique, notre vieux canon de 155 C, modèle 1881, tire son projectile dans les mêmes conditions à 5 600 mètres, avec une charge de 1 100 grammes de poudre, et à 1 900 mètres seulement, lorsque la charge n’est que de 400 grammes. La vitesse initiale, qui était de 280 mètres à la seconde dans le premier cas, n’est plus que de 149 mètres dans le deuxième. Par conséquent, si on n’a besoin que de faibles portées, on peut employer un canon beaucoup moins long et à parois bien moins épaisses, par conséquent bien plus léger. Le recul beaucoup moindre ne nécessite plus alors de mécanismes délicats pesans et encombrans. Vu la faible distance des objectifs, les appareils de pointage peuvent être allégés et simplifiés. Pour toutes ces raisons, les canons de tranchée sont, pour un projectile contenant un poids donné d’explosif, infiniment moins lourds que les canons proprement dits.