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avec les voisins ; en un mot, il faudrait raccrocher l’histoire au point où elle s’est décrochée.

Il ne s’agit pas de porter atteinte à l’unité allemande ; il s’agit de lui enlever le caractère militaire et agressif qui opprime l’Allemagne pour opprimer l’Europe. La solution idéale serait là ; et, par conséquent, la date à déterminer, au point de vue politique et diplomatique, serait certainement antérieure à l’année 1870.


Nous avons dit que l’Empire allemand actuel n’avait aucune consécration formelle dans le droit européen. Nous avons fait observer que les États de l’Allemagne, qui ont gardé un certain caractère de souveraineté, pouvaient être appelés à délibérer de leur sort dès les premières ouvertures pour la paix. Si les Puissances victorieuses formulent leur volonté d’agir ainsi dès les premières procédures, la question est tranchée. Les plus sérieux indices nous permettent de penser qu’il n’y aura pas, hors des sphères officielles ou des partis officiels allemands, un homme s’intéressant au maintien de l’Empire militariste et prussien. La plus grande partie des populations non prussiennes sont fatiguées de n’être, en somme, qu’une sorte de « garderie pour chair à canon. »

Comme tous les Empires conquérans, l’empire des Hohenzollern est une forme éphémère de gouvernement. Quarante années d’existence ne suffisent pas, en droit international, pour assurer le bénéfice de la prescription. L’histoire dira que l’Empire bismarckien fut, comme l’avait été l’Empire napoléonien, une phase plus ou moins heureuse de l’évolution européenne. Il s’est servi de l’enthousiasme unitaire pour en faire l’instrument des ambitions prussiennes. L’Allemagne ne sera pas perdue parce que les Hohenzollern, justement punis de leurs méfaits, arracheront l’aigle qui, pendant quelques années, aura sommé leur casque. L’Empire prussien n’a ni origines anciennes, ni légitimité. Champignon poussé en une nuit, ses vertus malfaisantes ne lui donnaient pas « le droit à la vie. » N’ayant pas su vivre, il n’aura pas vécu, voilà tout.

L’humanité ne lui pardonnera jamais d’avoir été le trouble-fête du monde, alors que celui-ci s’était endormi sur le beau rêve de La Haye, et de s’être résolu froidement à l’épouvantable dessein de la guerre actuelle. Elle lui appliquera la parole de son