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fréquemment nécessaires pendant la bataille… Ces initiales, peintes d’abord sur les autobus parisiens mobilisés et devenus transports de boucherie, veulent dire : « Ravitaillement en viande fraîche. » Par extension, les poilus, qui aiment à ironiser sur eux-mêmes et ne se croient point tenus à la gravité pudique de ceux qui ne risquent rien, ont pris l’habitude d’appeler R. V. F. les renforts apportés dans l’action par les camions automobiles servant au transport des réserves.

Certains préjugés sont d’ailleurs de ces morts qu’il faut qu’on tue et il s’en faut de beaucoup que les idées pourtant si simples que nous venons d’exposer et qui découlent limpidement de la logique des faits, soient admises sans conteste. Il y a peu de jours, un de nos meilleurs écrivains militaires, M. le colonel Rousset, ancien professeur à l’École de guerre, écrivait ceci à propos de la bataille de Verdun : « Le feu arrête une troupe quelconque et brise son essor, mais il ne fait reculer que les pusillanimes. Pour avoir raison des autres, pour les refouler dans l’offensive comme dans la défensive, il faut le choc ou tout au moins la menace de choc. Et seule l’infanterie est capable de produire l’un ou de dessiner l’autre. L’ultima ratio à la guerre n’est point le canon, malgré sa réputation usurpée, mais l’homme. » — Malgré l’autorité de leur auteur, j’ose ne point souscrire entièrement à ces opinions de l’éminent critique. Tout d’abord, en effet, si le feu de l’artillerie ne fait reculer que les pusillanimes, il peut détruire les autres, ce qui vaut encore mieux que de les mettre en fuite, et alors l’infanterie n’a plus qu’à prendre possession, sans aucun choc de sa part, du terrain dépeuplé de tous ses défenseurs vivans. En fait de choc, il n’en est point de plus vigoureusement efficace que celui de l’acier lancé par le muscle puissant des explosifs. L’expérience du début de la guerre en ce qui nous concerne, la retraite russe de l’an passé, toutes ces choses qui nous ont fourni depuis des causes de redressemens victorieux, ont démontré d’une façon incontestable que la supériorité momentanée qu’eut alors l’armée allemande, était due pour la plus large part à la supériorité de son artillerie qui lui permettait, comme un immense balai, de déblayer à distance le terrain devant sa marche. Le nier sérait précisément faire injure à nos fantassins et à ceux de nos alliés et cela signifierait implicitement que nos hommes et les leurs ne valaient pas, poitrine