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tout à l’heure un esprit nouveau : « Il y a en France, me dit-il, dans le Plateau Central, en Auvergne, dans la Haute-Vienne, en Limousin, en Bretagne, des mines d’or réellement abondantes, prêtes à extraire et qui n’attendent pour fonctionner que le permis d’exploitation… Les Allemands sont la pire race du monde, mais s’ils avaient sous la main des pays comme ceux que je viens de dire, et auxquels il faut ajouter la Normandie, ils auraient tôt fait d’en tirer de l’or et du fer. En y employant des équipes de prisonniers, ils sauraient bien trouver le filon. »

Encore une fois, je laisse à mon correspondant la responsabilité de ses affirmations. Ce que je veux retenir de sa lettre, c’est l’inquiétude dont elle témoigne et qui est un fort bon signe. Dans les conjonctures que nous traversons, il faut souhaiter à notre pays de connaître, comme l’Espagne du temps de Christophe Colomb, la fièvre de l’or. C’est parce que les Espagnols ont été des chercheurs d’or, même chimériques, même hallucinés, qu’ils ont conquis des mondes. Cependant des gens rassis et pondérés me disent : « A quoi bon s’en aller si loin ! Si nous nous en tenions à notre sol, au lieu de tant prêcher l’expansion coloniale ! Oui !… Si, au lieu de la laisser envahir par le commerce étranger nous commencions par coloniser l’avenue de l’Opéra !… »

Sans doute ! Mais n’oublions pas que les chercheurs d’or ont toujours eu besoin de la poésie et de l’illusion des lointains. Le Maroc a ce double avantage d’être à nos portes, et, néanmoins, de solliciter les imaginations par tous les prestiges de l’inconnu. On nous assure que nos conquistadors de la brousse ne seront pas déçus ; que, derrière les mirages, habituels en pays d’Islam, il y a de solides réalités. S’il en est ainsi, — et il paraît difficile maintenant d’en douter, — on ne peut qu’applaudir à tout ce que le général Lyautey a déjà réalisé d’efforts pour attirer des colons dans notre nouvelle conquête, pour en apprendre le chemin à nos commerçans et à nos industriels., Cela est d’autant plus urgent que l’Espagne, grâce à la propagande et à l’action obstinées, continues des Allemands, est en train de devenir un immense emporium de marchandises teutonnes prêtes à se déverser, sous un maquillage espagnol, à travers toute l’Afrique du Nord.