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état de fait qui ne repose sur aucun engagement, sur aucun contrat, et où les participans eux-mêmes ont été trompés par une ruse indigne et avouée.

La Prusse n’a aucune qualité internationale pour représenter seule les populations allemandes dans une tractation générale. Les États confédérés ayant gardé une partie de leur souveraineté, ou même leur autonomie diplomatique, auront accès, s’ils le jugent bon, dans les diverses délibérations et actes d’où doit résulter la paix : en tout cas, ils devront être expressément invités. La diplomatie des Alliés pouvait reprendre mot pour mot le texte de l’invitation que les plénipotentiaires français adressaient, en 1644, aux princes et États de l’Empire : « Aussi bien, on ne pourrait espérer une paix générale et durable à moins qu’elle ne fût concertée avec tous les États de l’Empire. Car le droit de la Guerre et de la Paix n’appartient pas à l’Empereur seul… Leur honneur et leur intérêt demandaient également leur présence dans la négociation, parce que, dans une assemblée particulière, ils paraîtraient n’avoir qu’une part fort médiocre au traité, et qu’ils ne seraient jamais bien informés de ce qui se passerait. Et qu’en outre leur absence et la difficulté de s’entendre ferait que la négociation traînerait en longueur. »

Ce précédent de la paix de Westphalie n’est pas agréable peut-être aux oreilles allemandes. Mais il ne s’agit pas d’être agréable : il s’agit de rentrer dans le bon sens et dans le droit. Il s’agit de mettre l’Allemagne en mesure de vivre une vie raisonnable et sage avec l’Europe et à l’égard de l’Europe. Il s’agit de détruire, hors d’elle et au milieu d’elle, un artifice de mensonges et de fourberies qui a fait d’elle « l’ennemi du genre humain. » Cette nécessité supérieure est la raison de la guerre actuelle qui est, elle-même, fille de la faute commise en 1871. Il faudrait essayer de la corriger aujourd’hui et de fonder un état de choses légitime en l’exprimant dans les conditions de la paix.


Après avoir examiné, à la lumière de l’histoire, cette question de principe : l’empereur allemand a-t-il qualité pour signer l’armistice et les préliminaires de la paix ? nous arrivons à la question de fait qui s’en déduit naturellement. Dans quelle mesure le roi de Prusse, Guillaume, est-il qualifié pour