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qu’il est indispensable pour elle d’avoir un valet de chambre coiffeur. J’ai lu avec bien du plaisir dans les journaux le récit des fêtes que l’on vous a données à Venise. Je suis bien sûre qu’on y aura trouvé ta femme aussi belle qu’elle est aimable et bonne. Je sais que plusieurs personnes à Paris ont reçu des lettres qui renferment tout ce que je viens de te dire et qui en font le plus grand éloge. Cela me rend bien heureuse. Adieu, mon cher fils, mon bon Eugène. Ta mère t’aime avec tendresse.

« JOSEPHINE. »


Paris, le 25 février (1806).

« Sois bien sûre, mon cher Eugène, que je ne cesse de m’occuper de toi. Tu en trouveras la preuve dans le précieux envoi que je charge Lavallette de te faire parvenir : c’est le sabre que portait l’Empereur à la bataille de Marengo[1]. Il est consacré par une grande victoire et je désire qu’en servant ton courage, il paraisse un jour n’avoir pas changé de main. L’Empereur a mis dans ce présent une grâce charmante. Comme ce sabre est très beau, j’en cherchais un plus modeste, mais l’Empereur a bien voulu me dire qu’il n’y avait rien de trop beau pour son fils ; je suis sûre au moins qu’il n’y a pas de trésor au monde qui pût flatter ton cœur autant que celui-là, car c’est le don de la gloire et de l’amitié. Adieu, mon cher fils, je t’embrasse tendrement.

« JOSEPHINE. »


Un long mois se passe. On annonce de Munich la grossesse d’Auguste, nouvelle sans doute prématurée (Journal de l’Empire du 12 mai), mais dont Eugène a fait part à sa mère, ce qui lui donne tous les airs d’authenticité. Sur la crainte que la princesse fût fatiguée, il ne l’a point menée à Venise, où l’on célèbre la réunion des États de Saint-Marc au royaume d’Italie. Ce sera le 9 juillet seulement que, de Monza, il écrira à « sa bonne mère : » « Il est enfin décidé qu’Auguste est enceinte ; toutes les preuves en ont eu lieu… Je dois un peu ce bonheur à une

  1. Ce sabre fait partie, sous le n° 10, de la collection appartenant au duc Georges de Leuchtenberg. Il n’est point inutile d’indiquer que le prince Napoléon croyait tenir de son père, le roi Jérôme, le sabre que le Premier Consul aurait porté à Marengo et qui aurait été donné par celui-ci à son jeune frère pour diminuer ses regrets de n’avoir point participé à la campagne. Ce sabre est la propriété du prince Louis Napoléon.