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or, c’était là la condition essentielle de la victoire de la France.

Les résultats tactiques sont non moins importans ; mais ils se développèrent surtout les jours suivans, au cours d’une lutte acharnée qui se poursuivit dans la région, soit au col de la Chipotte pour l’armée du général Dubail, soit autour du Grand-Couronné pour l’armée de Castelnau. Dès le 20, la plupart des villages qui se pressent au pied du Grand-Couronné furent réoccupés par les troupes françaises. On constata, en pénétrant dans leurs ruines, que l’ennemi avait subi des pertes énormes. Les abords du Grand-Couronné furent ainsi dégagés, et cette situation améliorée permit au général de Castelnau de repousser victorieusement l’assaut qui fut donné à Nancy en présence de l’Empereur, quelques jours après. L’armée allemande, en effet, tenta de prendre du moins la ville comme trophée, à son retour, alors qu’elle avait manqué son principal objectif, la trouée de Charmes. De même, l’armée de Heeringen se jeta sur Saint-Dié et sur le col de la Chipotte, comme si elle eût voulu essayer de forcer le passage droit au Sud et vers Belfort. Mais, après des combats sanglans, elle devait être également battue et obligée de regagner précipitamment la frontière et les cols des Vosges. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le front, tel qu’il s’est stabilisé depuis lors, pour apprécier les effets incontestables de cette série d’événemens militaires qui trouvent leur origine dans la bataille de la trouée de Charmes : le territoire français, de ce côté, se trouve, depuis lors, presque entièrement dégagé.


Récapitulons maintenant les faits principaux dans leur simplicité : le 20 et le 21, la 1re armée française et la 2e armée se heurtent à des positions très fortes puissamment défendues et sont repoussées l’une à Sarrebourg, l’autre à Morhange ; le 22 et le 23, les deux armées battent en retraite par un mouvement combiné, d’une part sur les rivières lorraines, d’autre part sur le Grand-Couronné. Nullement écrasées, comme le prétendent les communiqués allemands, elles tiennent tête à l’ennemi. Les chefs ni les soldats n’ont perdu la volonté de vaincre. Le 24, un premier engagement heureux fait sentir aux Allemands la vigueur de la résistance. Mais les armées allemandes ont reçu des renforts ; elles décident de mener tambour battant l’offensive convergente qui les rendra maîtresses de la trouée de Charmes et qui permettra l’accomplissement de la