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division du 15e et, enfin, du 8e corps, tandis que l’armée de Heeringen, qui s’avance de l’Est à l’Ouest et voudrait se servir de la grande route Raon-Rambervillers-Charmes pour atteindre l’objectif commun, se heurtera au barrage de la 1re armée sur les hauteurs au Nord de cette route. En outre, si l’ennemi continue à prêter le flanc, on saisira l’occasion qu’il offre lui-même, pour tomber sur les lignes de communications. Le général a un sens merveilleux des réalités ; on le reconnaît à la façon dont ses décisions vont se modeler sur les incidens de la bataille. Le front de l’armée s’étend sur une soixantaine de kilomètres, depuis Sainte-Geneviève jusqu’à Borville ; le général est à Pont-Saint-Vincent, à 25 kilomètres en arrière, présent partout.

Les précautions étant prises, comme nous l’avons dit, pour la défense de Nancy et du Grand-Couronné en cas d’attaque de l’ennemi, et les liaisons étant assurées sur tout le front par les hauteurs de Saffais-Belchamps, l’offensive est organisée contre la grande ligne de communications de l’ennemi, qui parait être la route d’Arracourt à Einville et Lunéville. Les forces qui, la veille, ont repris Réméréville, chercheront à atteindre cette route par les deux rives du Sanon : le 20e corps continuera à presser l’adversaire, se maintenant en liaison avec les divisions de réserve qui opèrent à sa gauche : son objectif est Flainval et au-delà. Le général veille à tempérer la fougue du soldat plutôt qu’à l’exciter. Il a éprouvé trop cruellement les funestes effets de l’offensive « en bourrade. » Il prescrit : 1° qu’on aille lentement, méthodiquement, en s’installant après chaque bond, de manière à ménager le sang et les forces des hommes ; 2° notamment, il ordonne au 16e corps (qui a subi si douloureusement la leçon d’Angweiler et de Gosselmingen) de ne pas s’aventurer sans garder étroitement sa liaison avec le 8e corps d’armée.

Dès le matin, on eut enfin la conviction que l’armée allemande était décidée à ignorer les troupes françaises laissées par elle à sa droite sur le Grand-Couronné, et qu’elle poursuivrait sa marche en avant pour forcer la trouée de Charmes, coûte que coûte. C’était « la manœuvre du mépris. » Le prince Ruprecht pensait qu’il ne tenait qu’à lui de nous devancer sur nos lignes de communications. Le plan était d’enlever Manonviller par une attaque brusquée[1] et, en faisant remonter des

  1. Au siège du fort de Manonviller prirent part la 17e division de réserve du 1er corps bavarois, quatre bataillons du génie, le 18e régiment d’artillerie à pied et deux obusiers de 420. L’ouvrage tint du 25 août au matin au 27 août après-midi.