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Ainsi, l’armée allemande, exécutant un plan que nous savons capital aux yeux de ses chefs, se jette, tête baissée, dans le piège qui lui est tendu. Elle va défiler le long du Grand-Couronné et de la croupe séparant la Meurthe-Mortagne de la Moselle et prêter ainsi le flanc à une offensive tombant de cette ligne de hauteurs, tandis que l’armée Dubail, la contenant, ne lui laisse aucune issue vers le Sud.

Le général de Castelnau, qui a préparé cette heure, n’eût pu la rêver plus favorable.

A 11 h. 30, son parti est pris. D’abord, il attaquera en queue la longue colonne qui s’avance devant lui, essayant de la pousser dans la souricière ; en même temps, il se portera sur le flanc droit qu’elle lui présente. Quant à sa propre droite, qui recevra le choc de l’armée allemande filant en pointe vers la trouée, elle a l’ordre de tenir coûte que coûte et de ne reculer, s’il y a lieu, que pied à pied, de façon à « laisser venir » et à tirer, en quelque sorte, la tête de l’ennemi dans le musoir.

Donc, à 11 h. 30, la 39e division du 20e corps d’une part, la 70e division du 2e groupe de divisions de réserve, les 34e et 35e brigades du 9e corps d’armée, d’autre part, s’ébranlent des hauteurs qu’elles occupent sur le Grand-Couronné et se portent en avant vers le front Serres-Hoéville-Erbéviller. Les 59e et 68e divisions assurent la garde de la ligne principale de défense du Grand-Couronné. Plus au Sud, une fraction du 20e corps s’ébranle aussi et marche droit devant elle, dans la direction de Haraucourt et de Flainval, sur l’une et l’autre rive du Sanon. L’ennemi ne parait se douter de rien ; il a poursuivi sa progression dans toute la région Sud de Lunéville.

Extrait d’un carnet allemand :


Au Sud de Lunéville, vallée de la Meuse, 24 août, 9 h. 1/2 du matin.

Après notre samedi du 22, excessivement fatigant, au cours duquel nous avons traversé la frontière, combats continuels. Hier, dimanche 23, journée heureuse, sauf le bombardement de notre bivouac par un aviateur français. A présent, on continue de marcher vers le Sud[1].


Non seulement l’armée bavaroise continue son mouvement imprudent, mais elle croit fermement au succès de la manœuvre destinée à écraser l’armée française dans la tenaille.

  1. Extrait des Briefe aus dem Felde.